Les marchés financiers cherchaient des branches auxquelles se raccrocher pour démarrer octobre dans de bonnes conditions après un mensis horribilis (mon latin datant d'un temps que les moins de 30 ans peuvent à peine connaître, j’espère ne pas avoir commis de boulette). Il semblerait qu'ils aient trouvé Liz Truss sur leur chemin et que ça a fait l'affaire. C'est en tout cas l'histoire qu'on a vu circuler hier pour justifier les fortes hausses indicielles, notamment les gains de plus de 2% affichés en clôture par les trois principaux indices américains, le S&P500, le Dow Jones et le Nasdaq. Un peu plus tôt, l'Europe avait signé des progressions plus mesurées, mais le vieux continent avait fini la semaine précédente en vive hausse alors que Wall Street s'était cassé la margoulette.

Liz Truss a-t-elle vraiment fait monter les marchés ? Eh bien pas directement. Mais disons qu'en renonçant aux réductions d'impôts prévues pour les hauts revenus, la première ministre britannique a annulé une partie du chaos qu'elle avait provoqué il y a quelques jours sur le marché obligataire de son pays, chaos qui avait envoyé le rendements des Gilts (les obligations d'Etat britanniques) au plafond, le moral des investisseurs dans leurs chaussettes et les actions au tapis, en contaminant au passage une bonne partie de la planète finance. En réalité, le nouveau gouvernement de Sa Majesté n'est revenu que sur la portion congrue de son projet budgétaire controversé, mais c'était celle qui portait la charge symbolique la plus lourde. Le marché adore les symboles, vous vous souvenez, c'est le syndrome Baloo (♬"il en faut peu pour être heureux"♬♪). L'annonce a fait fortement baisser le rendement des Gilts, a rendu les investisseurs gais comme des italiens quand ils savent qu'ils auront de l'amour et du vin et a permis aux actions de repartir de l'avant.

Sans faire injure à Madame Truss, qui a déjà fort à faire en la matière dans son pays, les financiers américains ont surtout pris note de la dégradation d'un indicateur d'activité qu'ils suivent de près : l'indice des directeurs d'achats de l'Institute for Supply Management, plus communément appelé "ISM manufacturier", qui est publié le premier jour ouvré qui suit la fin d'un trimestre. Or l'ISM de septembre s'est fortement dégradé et se rapproche de la zone de contraction, signe que l'économie américaine patine. Et là, vous vous dites : mais pourquoi les marchés montent alors que l'économie patine ? Taadam, second syndrome de la matinée pour épauler Baloo : "Mauvaise nouvelle ? Bonne nouvelle !".

Et oui, il faut s'y faire, plus que l'état de l'économie, les investisseurs guettent le moment où la Fed va arrêter d'être méchante, c’est-à-dire punitive pour les marchés actions. Or ce moment clef peut se produire de deux façons. Soit l'inflation s'évapore ou donne des signes d'évaporation. Soit la situation économique devient si calamiteuse que la banque centrale américaine est forcée de dire "bon OK, on n'a pas le choix, on arrête l'aspirateur à liquidités parce que le remède va finir par être pire que le mal". C'est en cela que les mauvaises nouvelles pour l'économie américaine peuvent devenir de bonnes nouvelles pour les financiers, qui ont hier revu en baisse leurs paris sur le pic de taux directeurs que la Fed va devoir atteindre, ce qui s'est matérialisé dans le recul du rendement des obligations d'Etat américaines.

Si je ne vous ai pas trop perdu au-dessus, vous avez compris que la journée d'hier était propice à un rebond parce que les financiers se sont dits que les banques centrales n'iront pas aussi loin que redouté dans leurs hausses de taux. Et aussi parce que, même si ça a l'air complètement con expliqué comme ça, le début d'un mois et a fortiori d'un trimestre renforce la possibilité d'une inflexion dans la cervelle des investisseurs. D'ailleurs, l'histoire que le marché a commencé à se raconter hier est opportunément renforcée ce matin par la banque centrale australienne. Je m'explique : la RBA a relevé à potron-minet (pour nous, parce que là-bas c'était plutôt l'heure de la digestion de midi) ses taux directeurs de 25 points de base (pour les porter à 2,60%), alors que le marché misait sur une hausse de 50 points de base. Elle explique grosso modo dans son communiqué avoir pris le parti de modérer ses tours de vis pour éviter de trop peser sur l'économie, tout en indiquant que d'autres hausses seront nécessaires avant de reprendre le contrôle de prix. Cela va dans le sens du récit que les marchés financiers veulent entendre : des banques centrales fermes mais plutôt sur la voie d'un assouplissement de leurs discours. L'ASX 200, l'indice de Sydney, ne s'y trompe pas puisqu'il s'envole de 3,5% ce matin après l'annonce de la RBA.

Tout cela reste hyper fragile bien sûr, mais on sent bien que cette narration est assez puissante en ce début de semaine, en attendant les prochaines échéances importantes, comme les chiffres de l'emploi en septembre aux Etats-Unis, qui tomberont vendredi, puis les premières publications trimestrielles, à partir de la semaine prochaine. En réalité il y a déjà quelques annonces sporadiques cette semaine, comme le relèvement des prévisions de chiffre d'affaires du suisse Sika ce matin, un acteur du BTP qui a un bon pouvoir de fixation sur les prix.

Dans le reste de l'actualité, la bourse brésilienne, déjà à créditer de l'une des meilleures performances de l'année 2022, s'est adjugée hier 5,5% à la clôture. On peut appeler cela une "hausse Bolsonaro", parce que les financiers ont bien noté que l'actuel président brésilien très à droite n'est pas aussi distancé que prévu dans la course à un second mandat face au candidat de gauche Lula. Le second tour prévu le 30 octobre s'annonce serré, d'autant que les bons connaisseurs de la politique locale estiment que Bolsonaro a plus de potentiel de ralliement que son rival.

Les marchés d'Asie Pacifique sont en vive hausse : les progressions dépassent 3% au Japon sur le Topix et donc en Australie sur l'ASX200, et sont supérieures à 2% pour la Corée du Sud et l'Inde. Les marchés chinois sont fermés : toute la semaine en Chine Continentale pour la fête nationale et ce jour uniquement à Hong Kong pour le Festival de Chung Yeung. Les places européennes sont attendues en vive hausse à l'ouverture. Le CAC40 démarre la séance en hausse de 1,1% à 5859 points.

Les temps forts économiques du jour

Aux Etats-Unis, l'enquête JOLTS sur les ouvertures de postes d'août et les commandes de biens durables d'août seront dévoilées à 16h00. Tout l'agenda macro ici. Ce matin, la banque centrale australienne a relevé ses taux d'un quart de point à 2,60%, alors que le marché prévoyait 50 points de base.

L'euro et le dollar se neutralisent à 0,9832 USD. L'once d'or remonte à 1696 USD. Le pétrole tient des gains récents, avec un Brent de Mer du Nord à 89,08 USD le baril et un brut léger américain WTI à 83,68 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans varie peu à 3,78%. Le bitcoin évolue autour de 19 600 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • ABB : Julius Bär reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 36 à 32 CHF.
  • Accelleron : Goldman Sachs démarre le suivi à neutre en visant 22,10 EUR.
  • Afyren : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 10,40 à 8,90 EUR.
  • Allfunds : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 14 à 13 EUR.
  • AutoStore : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 27 à 21 NOK.
  • Bachem : Research Partners reste à la charge avec un objectif de cours réduit de 136 à 95 CHF.
  • Barry Callebaut : Barclays reste à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 2550 à 2200 CHF.
  • Enagas : Citigroup reprend le suivi à vendre en visant 11 EUR.
  • Groupe Berkem : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 11,50 à 10 EUR.
  • Hargreaves Lansdown : Jefferies passe de sousperformance à conserver en visant 930 GBp.
  • Hikma : Berenberg démarre le suivi à conserver en visant 1440 GBp.
  • Kahoot : Morgan Stanley démarre le suivi à surpondérer en visant 30 NOK.
  • Kering : J.P. Morgan reste neutre avec un objectif de cours relevé de 670 à 690 EUR.
  • Elior : AlphaValue passe d'acheter à accumuler en visant 2,09 EUR.
  • Kaufman : Portzamparc reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 37 à 35 EUR.
  • Lonza : Bernstein démarre le suivi à surperformance en visant 660 CHF.
  • Melia Hotels : Stifel passe de conserver à vendre en visant 4,20 EUR.
  • Montea : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 120 à 106 EUR.
  • Nicox : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 7,50 à 7 EUR.
  • Partners Group : Baader Helvea passe d'accumuler à acheter en visant 1075 CHF.
  • Prosus : J.P. Morgan reste à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 93 à 95 EUR.
  • NatWest : AlphaValue passe d'alléger à vendre en visant 173 GBp.
  • Sandvik : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 215 à 185 SEK.
  • Siegfried : Research Partners reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 800 à 920 CHF.
  • Sodexo : Barclays passe de souspondérer à surpondérer en visant 90 EUR.
  • Verallia : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 37 à 34 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Saint-Gobain et Ecocem signent un partenariat pour accélérer la mise sur le marché d'une nouvelle technologie de ciment bas carbone.
  • TotalEnergies s'allie avec Holcim pour développer la première cimenterie zéro carbone en Belgique.
  • Société Générale procède à des nominations aux commandes de sa banque de détail en France.
  • Vinci Construction va concevoir et construire des infrastructures d'alimentation en eau potable en Ouganda.
  • Anglo American s'associe à Electricité de France dans les énergies renouvelables en Afrique du Sud.
  • Daniel Kretinsky dément tout achat d'actions Atos, après un article de la Lettre de l'Expansion affirmant le contraire.
  • RTL renonce à céder M6 Métropole Télévision.
  • Deezer vise 1 Md€ de chiffre d'affaires d'ici 2025.
  • Compagnie des Alpes boucle l'acquisition de MMV.
  • Nexity sera subventionné par le département des Alpes-Maritimes pour la rénovation énergétique de la résidence Comte de Falicon à Nice.
  • Eurobio Scientific finalise l'acquisition de gendx.
  • OPR / RO à 4,30 EUR l'action sur Le Tanneur.
  • Néovacs finance Pharnext via Alpha Blue Ocean.
  • MyHotelMatch reporte la publication de ses comptes.
  • Méthanor investit 0,5 M€ dans une usine de méthanisation.
  • Safe signe un accord de fabrication et de distribution aux Etats-Unis avec Wenzel Spine.
  • Kaufman, Ober, Argan, Visiomed, Spartoo, Mare Nostrum, ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Pfizer finalise le rachat de Biohaven Pharmaceutical pour 11,6 Mds$.
  • Geely prend 7,6% d'Aston Martin Lagonda via son holding Zhejiang Geely Holding.
  • Trump poursuit CNN (Warner Bros. Discovery) pour diffamation et demande 475 M$.
  • Nestlé va continuer à relever ses prix en 2023, a fait savoir le directeur général Mark Schneider dans une interview au portail themarket.ch.
  • Toyota Motor enregistre une baisse de 7,1% de ses ventes aux États-Unis au troisième trimestre. General Motors enregistre une croissance annuelle de 24% de ses ventes de véhicules dans le pays dans le même temps.
  • Apple aurait perdu sa deuxième tentative de contester les brevets de Qualcomm devant la Cour suprême des États-Unis.
  • Le patron de Diageo met en garde contre la pénurie d'eau en Écosse.
  • Holcim finalise l'acquisition de PSNA aux Etats-Unis.
  • Sika révise ses perspectives de croissance à la hausse.
  • ASM International conclut l'achat du producteur italien d'outils d'épitaxie LPE.
  • Twitter met en place un bouton "modifier" pour certains utilisateurs payants.
  • AstraZeneca va racheter LogicBio Therapeutics.
  • Fluor remporte deux contrats pour le projet du site de BASF Zhanjiang Verbund en Chine.
  • Rivian Automotive a fabriqué 7 363 véhicules au T3 et se dit "en bonne voie" pour atteindre les objectifs annuels de production.
  • Deux SPAC soutenus par Bill Foley (Austerlitz Acquisition Corp I&II) vont faire voter leur liquidation à leurs actionnaires.
  • Principales publications du jour : Fast Retailing, Ford, Acuity, Nordnet, Greggs, Skistar… Tout l'agenda ici.

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