Naturellement, la création de nouvelles actions a un impact sur les anciens actionnaires, et le cours de bourse récent de l’action va directement influencer le prix auquel les nouvelles seront vendues. Nous allons justement voir en quoi consiste cette opération, son impact comptable sur les capitaux propres de l’entreprise, expliquer le phénomène de dilution qui se produit et donner quelques éléments de réponses pour comprendre si lorsqu’il y est confronté, l’investisseur particulier doit y participer ou non.

Il existe majoritairement deux types d’augmentation de capital :

  • L’augmentation de capital avec Droit Préférentiel de Souscription (DPS).
  • L’augmentation de capital sans Droit Préférentiel de Souscription, que l'on appelle aussi parfois placement privé ou augmentation de capital réservée. 

Quel que soit le type d’augmentation de capital, la création de nouvelles actions engendre une dilution des actionnaires actuels : on fait plus de parts d’un même gâteau, donc chaque part est plus petite. Si l’actionnaire ne participe pas à l’opération, il voit donc son pourcentage de détention du capital de l’entreprise réduire.

Lorsqu'une entreprise émet de nouvelles actions qu'elle distribue à titre gratuit, il s’agit aussi d’une augmentation de capital. La différence avec les autres types d’augmentation de capital réside dans le fait que ce ne sont pas les actionnaires qui apportent les fonds mais bien l’entreprise qui utilise ses réserves (bénéfices non distribués) pour “financer” l’opération. On parle tout de même d’augmentation de capital car il y a un impact comptable sur les capitaux propres de l’entreprise, elle transforme du résultat en capital social. Les actionnaires sont ici aussi dilués et la valeur unitaire de chaque part diminue, mais la perte est immédiatement compensée par la distribution des titres créés. Finalement, l’actionnaire voit son pourcentage de détention inchangé.

Revenons à nos augmentations de capital avec ou sans DPS.

Avec DPS...

 

La logique voudrait que lorsque l’entreprise initiatrice de l’opération estime que la majeure partie de ses actionnaires actuels vont participer à l’augmentation de capital (acheter les nouvelles actions), elle utilise la méthode avec DPS. Si c’est le cas, les actionnaires existants reçoivent des droits (ces fameux DPS) qui leur permettent d'acheter les nouvelles actions à un prix préférentiel au prorata de leur détention initiale. Utiliser les DPS pour acheter les nouvelles actions émises va permettre aux actionnaires de maintenir leur pourcentage de détention du capital et éviter la dilution. Ils peuvent aussi décider de ne pas souscrire à l’opération et de vendre leurs DPS, ce qui compensera la baisse mécanique de la valeur des actions qu’ils possèdent du fait de la création de nouvelles.

Le prix auquel seront émises les nouvelles actions sera déterminé et connu du public 6 jours avant l’attribution des DPS. La période qui suit, dite de “placement”, pendant laquelle les actionnaires décident de souscrire ou non, durera au moins 10 jours de bourse. Le prix des nouvelles actions présente généralement une forte décote par rapport au cours de bourse, mais il ne faut pas vous leurrer, ce n’est pas pour ça que l’opération est plus intéressante pour vous. Si il y a une décote, c’est simplement pour éviter que l’opération soit un échec si le cours chute pendant la période de placement, car une fois que le prix des nouvelles actions est déterminé, c’est pour de bon. En fait, ce sont les DPS, qui sont eux négociables, qui vont voir leur valeur varier si le cours de l’action bouge. À tout instant, leur valeur compensera la différence entre le prix auquel les nouvelles actions sont vendues et le cours de bourse de l’action qui continue d’évoluer librement pendant toute l’opération. Retenez donc que ni la valeur du DPS, ni le prix des nouvelles actions ne doivent retenir votre attention lorsqu’il s’agit de comprendre s’il est intéressant pour vous de participer ou non.

Sans DPS...

Dans le cas où l’entreprise pense que seule une faible proportion des actionnaires actuels vont mettre la main à la poche pour participer et/ou qu’elle souhaite en profiter pour convaincre de nouveaux investisseurs de devenir actionnaire, elle va plutôt opter pour la méthode sans DPS. À noter que lors d’une augmentation de capital sans DPS, ceux qui sont déjà actionnaires bénéficient dans la plupart des cas d’une priorité sur ceux qui ne le sont pas encore. Puisqu’il n’y a pas de DPS, il n’est pas question de forte décote. Pour définir le prix, l’entreprise va sonder le marché en conduisant une opération de pré-placement, essentielle pour que l’opération soit une réussite. C’est seulement après cette période que le prix sera fixé, avec normalement une très légère décote.

Quand participer ?

Dans les deux cas (augmentation avec ou sans DPS), savoir s’il est intéressant de participer relève d’une question très simple, à laquelle il est parfois très difficile de répondre : que vont devenir ces fonds ? ou plutôt, à quel rendement vont-ils être investis ? Il est d’autant plus difficile pour vous de répondre à cette question qu’elle vous est posée telle quelle dans un article, sans forcement avoir été introduit aux concepts financiers de création de valeur. Je vais tout de même vous apporter ici quelques éléments mais n’hésitez pas à revenir ici après la lecture de notre livre.

Savoir s’il faut alléger, maintenir ou renforcer sa position revient à se demander à quoi les nouveaux fonds vont servir. D’un point de vue théorique (hypothèse des marchés à l’équilibre), une augmentation de capital a un coût financier équivalent au coût des capitaux propres (voir chapitre 6 du livre). Pour que l’opération soit créatrice de valeur et que l’actionnaire ait une chance de voir le prix de ses actions augmenter, il faut (1) que les nouveaux fonds levés soient investis à un rendement supérieur à ce coût et (2) que le marché n’y croit pas tout de suite, de sorte à ce que le cours de bourse n’intègre pas immédiatement ce potentiel de création de valeur. Grossièrement, si vous pensez que l’opération est en ligne avec le développement continu de l’entreprise et que vous ne voulez pas vous faire diluer, utilisez vos DPS pour souscrire et vendez le surplus. Si vous doutez de l’utilité de l’augmentation de capital, qu’elle ne fait pas sens pour vous dans le contexte actuel ou bien que vous n’avez tout simplement pas les fonds pour participer, vendez l’ensemble des DPS (il est peut-être temps de reprendre vos notes d’analyse pour comprendre si ce n’est pas le moment de vendre). Enfin, si vous pensez que le marché se trompe et que les fonds vont être utilisés pour développer des projets exceptionnels, foncez !

En tout cas, sachez qu’une opération d’augmentation de capital bénéficie surtout aux prêteurs (à ceux qui possèdent la dette de l’entreprise) puisque leurs titres de dette s’apprécient du simple fait que le risque structurel diminue : de nouveaux fonds propres sont levés et le poids de la dette dans le total des ressources financières (le levier) diminue.

Les actionnaires eux, accueillent généralement assez mal les augmentations de capital, pour une raison toute simple, c’est qu’ils pensent que l’entreprise profite d’un cours élevé pour créer et émettre de nouvelles actions. En effet, du moment que les actionnaires considèrent que le management de l’entreprise est plus à même de connaître la valeur réelle des actions, dès qu’ils voient une augmentation de capital, ils se disent que le cours est surévalué et que l’entreprise en profite. Ce phénomène naît de l’asymétrie d’information entre le management et le marché.

Un exemple...

En 2021, l’entreprise AXY a conduit une opération d’augmentation de capital avec DPS.

Avant l’opération, le capital de l’entreprise est divisé en 40M d’actions et le cours de l’action est à 20€. La capitalisation boursière de l’entreprise s’établit alors à 800M€.

En lisant la note de l’opération, les actionnaires existants apprennent qu’ils vont recevoir un DPS pour chaque action qu’ils possèdent (parité de 1). On leur explique ensuite que pour acquérir une nouvelle action à 13€, il leur faudra utiliser 4 DPS.

Immédiatement, l’actionnaire est censé comprendre que pour 4 actions existantes, une nouvelle sera créée. L’entreprise va donc créer 10M de nouvelles actions. Si toutes les actions sont achetées, le montant des fonds levés s'établit à 10M x 13€ = 130M€. Montant à ne pas confondre avec celui de la prime d'émission associée à l'opération. En effet, la valeur nominale des actions de AXY était de 2€ (la valeur à la création de la société) et elles ont été vendues à 13€. On va donc augmenter le capital social de (10M x 2€) = 20M€ et on va enregistrer un delta de (13 - 2) x 10M = 110M€. Ce montant sera comptabilisé en tant que prime d’émission, avec l’ensemble des autres augmentations de capital faites par le passé (introduction en bourse comprise).

Revenons à notre opération du point de vue de l’actionnaire.

Admettons que l’un d’entre eux possède, avant l’opération, 500 actions AXY, pour une valeur totale de 500 x 20€ = 10 000€. Son pourcentage de détention du capital de l’entreprise était donc de 500 / 40M = 0,00125%. Après l’opération, le nombre total d’actions sera de 40M + 10M = 50M. Son pourcentage de détention, s’il n’achète pas de nouvelles actions à 13€, sera donc de 500 / 50M = 0,00100%. En revanche, s’il achète les 500 / 4 = 125 nouvelles actions auxquelles il peut souscrire (sans avoir à acheter de DPS supplémentaire), il ne sera pas dilué.

En ce qui concerne la capitalisation de AXY, elle va continuer de bouger tout au long de l’opération et après. Cela pour de multiples raisons, notamment un éventuel changement de paradigme concernant le niveau de valorisation de l’entreprise.

Si l’entreprise profite de l’opération d’augmentation de capital pour annoncer un nouveau projet, il se peut que les investisseurs soient désormais prêts à acheter le titre plus ou moins cher en fonction du niveau de rentabilité attendu du projet en question. En revanche, il faut bien comprendre que sans annonce particulière au sujet de la rentabilité à laquelle les nouveaux 130 M€ levés vont être investis, la capitalisation d’AXY devrait mécaniquement monter à 800 + 130 = 930M€, avec un cours à 930M€ / 50M = 18.6€ et un DPS à (18.6 - 13) / 4 = 1.4€.

Dans ces circonstances, si notre actionnaire décide de souscrire à l’ensemble des titres auxquels il a accès sans avoir besoin d’acheter des DPS supplémentaires, il va devoir s'acquitter de 125 x 13€ = 1 625€.

Admettons qu’avant l’opération il disposait de 500 titres et 5000€ en cash pour une valeur totale de 15 000€, il possède désormais 625 x 18.6€ = 11 625€ de titres (pour une participation toujours équivalente à 0.00125%) et 5 000 - 1 625 = 3 375€ en cash. S’il décide de ne pas souscrire, il vend ses DPS et empoche 500 x 1.4€ = 700€. Ces participations, elles, valent désormais 500 x 18.6€ = 9 300€. Dans un cas ou dans l’autre, la somme de ses participations et de son cash s’établit à 15 000€.

augmentation de capital exemple excel

augmentation de capital sensibilite test 1

augmentation de capital sensibilite test 2

augmentation de capital sensibilite test 3