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(Easybourse.com) Quelles répercussions pourrait avoir le net ralentissement de l'économie mondiale sur la demande en pétrole ?
Il est clair que le ralentissement prononcé de l'économie aura des répercussions négatives sur la demande en pétrole même si la baisse du prix du baril pourrait compenser quelque peu la tendance à une consommation moindre.

Il est frappant de constater que la diminution de la consommation de pétrole dans les pays développés est largement supérieure à la baisse du prix du baril. En cela, nous pouvons légitiment nous interroger sur le fait de savoir si ce n'est pas la diminution de cette demande qui a provoqué le reflux du marché du pétrole à partir du mois de juillet.

Pensez-vous que la baisse de la consommation de pétrole va justement perdurer en dépit de la diminution du prix à la pompe. Nous étions montés aux Etats-Unis au-dessus de 4$ le galon, on va certainement revenir en dessous de 3$ ?
On peut logiquement penser que l'impact sera positif, mais nul ne peut dire à quel point.

Au demeurant, je pense qu'au-delà des pays développés, la question majeure réside davantage dans la consommation des pays émergents et plus particulièrement de la Chine.

Quel est votre sentiment à ce sujet ?
Tout dépendra de la résilience de l'économie chinoise. On s'attend à un taux de croissance pour 2008 et 2009 de l'ordre de 7 à 8%. Même si le niveau reste élevé, le ralentissement de cette croissance n'est pas négligeable. Cela nous ramène à une croissance comparable à celle de 1999/2000 qui se traduira certainement par une baisse des importations chinoises.

Nous n'avons pas d'ordre de grandeur qui circule ?
Non. Et de toute façon, il faut bien se dire qu'il y aurait un flou artistique sur le sujet.

Après avoir inscrit mi-juillet un record à plus de 147 dollars le baril, le brut léger est tombé la semaine dernière à 68,57 dollars, son plus bas niveau depuis 16 mois. Deutsch Bank s'attend à voir un prix du baril descendre à 50 $, tandis que JPMorgan a, lui, réduit sa prévision de prix du baril de brut à  47,75 dollars pour l'ensemble de 2009. D'un autre coté, le pétrole a pris un peu plus de deux dollars dernièrement. Quelle perspective d'évolution envisagez-vous s'agissant du prix du baril ? Pourrait-on rester encore longtemps avec un prix du baril située entre 70 et 90 dollars, fourchette idéale estimée par le président de l'Opep, Chakib Khelil ?
Ma première réponse consistera à dire que les gens qui font des prévisions et qui les changent tous les deux mois ne sont pas très sérieux. Personne d'entre nous ne sait exactement quel sera le prix du baril en 2009.

Signaler avec une précision infime, à l'instar de JP Morgan, que ce prix serait de 47,75$ -encore faudrait-il que l'on sache de quel pétrole il s'agit, le brent ou le WGI-, signifierait qu'il y aurait autant de jours en-dessous que de jours au-dessus. Cela me parait totalement irréaliste car cela supposerait non pas un scénario de crise économique mais de dépression au niveau mondial.

Je pense que le prix d'équilibre se situe à environ 100$, avec une grande volatilité cependant qui autoriserait ce prix à une fluctuation entre 80 et 120$. Il est possible que le prix, tel que l'indique Deutsch Bank descende à 50$. Ce serait une conséquence de la crise financière.

Les quotas de l'Opep sont actuellement fixés à 28,8 millions de barils par jour. Le marché anticipe une réduction de plus d'un million de barils par jour afin d'empêcher que la glissade du prix du baril ne se poursuive. Selon certains analystes, dans le cadre d'un scénario catastrophe sur la demande, l'Opep pourrait être contrainte de retirer jusqu'à 2,4 millions de barils par jour dans les 12 prochains mois. Qu'en pensez-vous ?
J'aimerai indiquer dans un premier temps que si l'OPEP avait contrôlé un tant soi peu la flambée du prix du baril en début d'année, nous ne serions pas dans cette situation.

Ensuite, je pense que l'OPEP n'a pas de possibilité de contrôler le marché. Le cartel subit le marché plus qu'autre chose.

Enfin, autant il est facile de gérer l'OPEP lorsque le marché est haussier, autant les intérêts des membres de l'organisation divergent lorsque le marché est baissier. Par conséquent la décision prise dépendra beaucoup de la bonne volonté de l'Arabie Saoudite de se serrer elle-même la ceinture. Des pays comme le Vénézuela ou l'Iran qui, aujourd'hui, ne produisent même pas leur quota ne baisseront pas leur production.

Je crains au demeurons que nous ne voyions à l'avenir de nouveau l'énorme différence traditionnelle entre le quota officiel et la production effective et que nous arrivions à des situations de dépassement quasiment récurrents.

L'histoire montre que l'Opep a du mal à soutenir les prix quand la croissance du PIB mondial tombe en-dessous de 2%, comme cela a été le cas en 1998 et 2001...
L'OPEP est constitué de pays dont la plupart se «droguent» au pétrole, autrement dit dont l'essentiel de l'existence dépend de cette énergie. Les équilibres budgétaires d'un certain nombre de pays producteurs sont aux alentours de 90$ le baril. Je doute alors fortement que ces pays, à un moment où il faudrait qu'ils soient capables de mettre sur le marché 2 à 3 millions de barils par jour, puissent le faire. Sauf catastrophe géopolitique majeure, je crois que la solidarité implicite de l'OPEP éclatera et que tout redépendera du pays principal producteur, à savoir l'Arabie Saoudite.

C'est tout de même ce dernier pays qui a été le second élément (après la baisse de la demande en pétrole) à avoir cassé le marché cet été en poussant sa production. Ils sont les seuls à pouvoir sortir 2 millions de barils par jour, d'autant que leur équilibre budgétaire est à 50. Quelle décision va prendre le gouvernement en place ? Nul ne le sait véritablement.

Quelles seront les conséquences pour les compagnies pétrolières elles mêmes ?
Il est évident que lorsque le prix du baril commence à descendre en dessous des 80$, un grand nombre des champs les plus extrêmes ne sont plus rentables.

Certains estiment que les grandes compagnies internationales puisent dans leurs fonds propres et qu'en cela, cette phase temporaire d'un prix du baril qui descendrait à 50$ n'aurait pas de conséquences graves sur les projets en cours ?
Je pense sincèrement que les compagnies pétrolières regarderont à deux fois avant de se lancer plus amplement dans les projets les plus extrêmes. Au-delà, c'est toute l'économie de la recherche pétrolière qui risque de souffrir par manque de financement.

Au début du mois d'octobre, le ministre iranien du Pétrole, Gholam Hossein Nozari, avait estimé qu'un baril de brut à moins de 100 dollars ne convenait «à personne, ni aux producteurs ni aux consommateurs». Partagez-vous cette analyse ?
J'adhère totalement à cette déclaration. Un baril de pétrole de moins de 100$ ne convient certes pas aux producteurs, mais ni aux consommateurs. Ces derniers ont besoin d'un pétrole à plus de 100$ pour continuer à essayer d'être vertueux.

J'ai pour ma part toujours été partisan d'un pétrole cher car c'est le seul moyen de nous amener à moins en consommer.

Pensez-vous que la tendance à la hausse pourrait reprendre en 2010 ?
Très sincèrement, je ne sais pas. Mais je ne crois pas, sauf accident géopolitique majeur, que nous retrouverons des tensions aussi considérables que celles que nous avons pues connaître à la fin du printemps 2008.

Ceci étant, la demande continue d'exister, essentiellement dans les grands pays émergents. La demande dans ces pays est tout de même relativement peu corrélée au prix. Bien au contraire, on se souviendra qu'au mois de mai, on s'indignait contre les programmes de subvention des prix de l'essence dans un certain nombre de ces pays émergents.

Propos recueillis par Imen Hazgui

- 23 Octobre 2008 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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