Berne (awp/ats) - Les rencontres de Michael Lauber avec le président de la FIFA Gianni Infantino étaient contraires aux règles de procédure, selon le Tribunal pénal fédéral. Le procureur général doit donc se récuser dans les enquêtes sur la corruption dans le football.

Saisi de deux demandes déposées par l'un des prévenus dans le scandale de la Fédération internationale de football association (FIFA), le Tribunal pénal fédéral (TPF) a ordonné lundi les récusations du procureur général de la Confédération, de l'ancien procureur en chef Olivier Thormann et d'un troisième procureur toujours en fonction. Cette décision de la Cour des plaintes est définitive et ne peut pas être attaquée par recours.

Par ses requêtes, le prévenu visait Michael Lauber et l'ensemble de la "Taskforce FIFA" au Ministère public de la Confédération (MPC) ainsi que les membres de la Police fédérale en charge du dossier, soit plus d'une trentaine de personnes. Il invoquait deux rencontres non protocolées entre Michael Lauber et le président de la FIFA Gianni Infantino au printemps 2016.

Egalité de traitement

Dans ses considérants, la Cour des plaintes souligne que les parties à la procédure n'auraient probablement pas été informées de ces réunions si elles n'avaient pas été dévoilées par la presse. En outre, l'absence de procès-verbaux a pour conséquence que leur contenu échappe à tout contrôle.

Le TPF en conclut que la manière d'agir de Michael Lauber est incompatible avec les exigences de la procédure pénale garantissant un traitement équitable et le droit d'être entendu à toutes les personnes concernées. "L'ensemble de ces circonstances est objectivement propre à rendre le procureur général suspect de prévention." La demande de récusation à son encontre est donc jugée fondée.

La méthode Lauber

Le jugement offre un aperçu des explications fournies par Michael Lauber sur ses méthodes. Le procureur général parle de deux rencontres d'une heure environ chacune visant à mettre en oeuvre la coopération avec la FIFA, notamment pour recueillir des preuves à son siège.

Des contacts qui, selon le magistrat, sont "utiles et nécessaires" dans des enquêtes de grande ampleur. Ils permettent un travail plus efficace, respectueux des principes de célérité et de proportionnalité. Ces méthodes, ajoute Michael Lauber, ne sont pas incompatibles avec une procédure indépendante.

L'argument n'a pas convaincu les juges de Bellinzone. Ceux-ci se demandent en particulier pourquoi sa présence à ces rencontres était indispensable alors d'autres membres du MPC auraient pu mener ces discussions. En particulier, ils estiment que Michael Lauber n'était probablement pas la personne la plus qualifiée au sein de son service pour traiter de la remise de documents sous forme numérique.

SMS personnels

Concernant Olivier Thormann, qui a quitté le MPC en novembre 2018, le tribunal relève que le procureur en chef responsable de la criminalité économique a échangé de nombreux SMS avec l'ancien directeur du service juridique de la FIFA Marco Villiger. Des contacts "essentiellement de nature personnelle" et dépassant le cadre de la procédure.

Pour le TPF, ces liens entre les deux hommes fondent l'apparence que la FIFA a pu bénéficier d'un traitement plus favorable que les autres parties dans les procédures menées par le MPC. A ce titre, la demande de récusation est également fondée.

Concernant le troisième membre du MPC, les juges retiennent qu'il était au courant des discussions informelles menées sur les enquêtes par Thormann et Villiger. En y participant en transmettant des demandes de l'un à l'autre, il s'est également rendu suspect de prévention et doit être récusé.

Interpellé par Keystone-ATS, le MPC "a pris connaissance des décisions du TPF" et va maintenant les analyser.

"Nous allons prendre connaissance de la décision du TPF, réentendre M. Lauber fin août et peser les pour et les contres avec les autres membres de la commission, avant de considérer si cette décision a un impact sur la situation de M. Lauber en tant que procureur général de la Confédération", affirme Christian Lüscher (PLR/GE), membre de la commission judiciaire.

Et de préciser : "Il est déjà arrivé qu'un procureur soit récusé sur un dossier. Ses compétences ne sont pas pour autant remises en cause. Si l'on devait pousser à la démission tous les procureurs récusés, il n'y aurait plus beaucoup de procureurs dans notre pays. La seule récusation n'implique pas l'incapacité d'exercer la charge."

ats/rp