C'est le retour d'une des séries politiques qui anime Washington : le shutdown. Pour définir rapidement le concept, c’est la cessation des activités du gouvernement, faute de financement accordé par le Congrès. En effet, chaque année, le Congrès doit allouer des fonds à 438 agences gouvernementales avant le début de l'exercice fiscal, soit le 1er octobre. Mais ce délai est rarement respecté et les législateurs adoptent régulièrement des lois de financement temporaire pour maintenir le gouvernement en activité. L'extension actuelle expire le vendredi 14 mars. A compter de cette date, une grande partie du gouvernement ne disposera donc plus de financements.
Le DOGE en toile de fond
Si ces épisodes sont réguliers, c'est parce que démocrates et républicains sont souvent en désaccord sur les dépenses ; les premiers plaidant généralement pour davantage de fonds pour les programmes sociaux, tandis que les seconds soutiennent plutôt des baisses de la fiscalité. Actuellement, le parti républicain contrôle à la fois la Chambre des représentants et le Sénat. Ils peuvent adopter une législation à la Chambre avec une simple majorité, donc sans les voix des démocrates. Mais au Sénat, ils auront besoin de sept voix démocrates pour atteindre le seuil de 60 voix requis.
Cette fois, ce qui rend les négociations difficiles, c'est que l'administration Trump est engagée dans une politique de réduction de la taille du gouvernement, qui suscite une vive opposition des élus démocrates. Selon les différentes estimations, entre 20 000 et 25 000 fonctionnaires auraient déjà été licenciés, sous l'impulsion du DOGE d'Elon Musk. Un projet à mi-chemin entre le "cost-cutting" et une purge digne des régimes les moins fréquentables, qui commence à sérieusement inquiéter la population outre-Atlantique. Rappelons que 2,3 millions de personnes travaillent pour le gouvernement fédéral. Donc tout le monde a au moins un fonctionnaire dans son entourage.
Une inquiétude dont Donald Trump semble prendre la mesure. Hier, il a demandé à son administration de garder les agents "les plus productifs". Et dans son point presse désormais quotidien, il a déclaré : "keep all the people you want, everybody that you need.” Une déclaration qui peut aussi être interprétée comme un signe d'ouverture vers les démocrates, en vue de parvenir à un accord et ainsi éviter un shutdown.
Pas d'inquiétude pour les marchés
Si les enjeux politiques sont importants, l'impact économique d'un shutdown est lui nettement plus faible. Selon les calculs de Goldman Sachs, cela réduirait directement la croissance du PIB d'environ 0,15 point de pourcentage pour chaque semaine. Mais cet impact négatif serait compensé par un rebond de la croissance une fois le shutdown terminé.
Parmi les 14 épisodes de shutdown depuis 1981, le plus long a été celui de 2018-2019. Une bataille entre le Président Trump et le Congrès autour des moyens alloués à la protection des frontières. Une séquence de 34 jours qui aurait coûté, selon le CBO (Congressional Budget Office), environ 3 milliards de dollars, soit 0,02 % du PIB. Autrement dit une paille à l'échelle de l'économie américaine.
Comme souvent lorsqu'on évoque des évènements redondants, les équipes de recherche macro de Zonebourse se sont demandées comment le S&P500 a réagi par le passé. Et comme souvent, un stratégiste y a déjà pensé pour nous. Saluons donc au passage Brian Gardner, stratégiste chez Stifel, qui a étudié l'impact de tous les shutdown de plus de 5 jours sur le S&P 500.
Comme on peut le voir sur le tableau ci-dessus, les variations du marché action sont relativement limitées. Et lorsqu'on étudie de près chaque période, les mouvements de marché étaient davantage dû aux fondamentaux économiques qu'au drama politique. Mais comme nous le rappelions cette semaine dans ces colonnes, le sentiment semble avoir tourné aux Etats-Unis. Les premières semaines de l'administration Trump ont clairement entamé la confiance des agents économiques, notamment des consommateurs. A ce stade, il serait donc préférable d'éviter toute incertitude supplémentaire, au risque de ralentir l'économie américaine.