(Ajoute communiqué de Huawei)

par Julie Gordon et Steve Stecklow

VANCOUVER/LONDRES, 8 décembre (Reuters) - La directrice financière de Huawei Technologies est accusée par les Etats-Unis d'avoir caché les liens de l'équipementier télécoms chinois avec une firme qui essayait de contourner les sanctions américaines contre l'Iran, a déclaré vendredi un procureur canadien lors d'une audience à Vancouver.

Meng Wanzhou, 46 ans, arrêtée il y a une semaine à Vancouver à la demande des Etats-Unis, comparaissait pour une première audience de remise en liberté sous caution devant un tribunal de la ville canadienne.

Elle est la fille du fondateur de Huawei, société que les agences du renseignement américain présentent comme liée au gouvernement chinois.

Durant l'audience, le procureur a déclaré que le dossier découlait d'informations de Reuters, rapportées en janvier 2013, selon lesquelles l'entreprise Skycom, qui avait tenté de vendre du matériel informatique Hewlett-Packard sous embargo au numéro un iranien de la téléphonie mobile, avait des liens étroits avec Huawei. Meng a menti lorsque des banques l'ont interrogée sur les liens entre les deux compagnies, a-t-il ajouté.

L'arrestation, révélée mercredi, a ébranlé les marchés boursiers mondiaux qui craignent une escalade dans la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine.

Meng Wanzhou, si elle est jugée aux Etats-Unis, risque 30 ans de prison pour des accusations de complot de fraude de plusieurs institutions financières, selon le parquet.

L'audience organisée vendredi devait du décider du maintien ou non en détention de Meng Wanzhou. La décision a été ajournée à lundi.

Le procureur a déclaré qu'il s'opposait à une libération sous caution de Meng, arguant qu'elle disposait des moyens financiers pour payer une éventuelle caution et qu'elle fuirait très probablement en Chine. L'avocat de Meng, David Martin, a nié toute volonté de fuite.

Un porte-parole de Huawei a déclaré vendredi que la firme avait "pleinement confiance" dans les conclusions auxquelles parviendront les systèmes judiciaires canadien et américain.

Huawei avait dit plus tôt dans la semaine se conformer à toutes les règles et sanctions en vigueur.

"PORTES DÉROBÉES"

Selon des documents de justice transmis vendredi, un tribunal de New York a délivré le 22 août dernier un mandat d'arrêt contre Meng. Les autorités américaines ont appris le 29 novembre qu'elle ferait escale deux jours plus tard à Vancouver.

Les États-Unis ont 60 jours pour présenter une demande d'extradition formelle. La décision finale d'extradition appartient ministre de la Justice du Canada.

Ni le Canada ni les Etats-Unis n'ont fourni la moindre preuve à la Chine que Meng Wanzhou a enfreint la loi dans ces deux pays, a déclaré vendredi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

Geng Shuang a redit que la Chine demandait la remise en liberté de Meng.

D'après les accusations lues vendredi devant le tribunal, Huawei aurait utilisé, entre 2009 et 2014, la société de Hong Kong, Skycom Tech, pour faire des affaires en Iran, malgré un embargo imposé par les États-Unis et l'Union européenne.

Meng Wanzhou, qui a également utilisé les prénoms anglais Cathy et Sabrina, a siégé au conseil d'administration de Skycom entre février 2008 et avril 2009, d'après les registres de Skycom. Plusieurs autres administrateurs actuels et passés de Skycom semblent avoir des liens avec Huawei.

Les États-Unis cherchent à savoir depuis au moins 2016 si Huawei a violé les sanctions américaines contre l'Iran, a rapportait Reuters en avril dernier.

Les agences de renseignement américaines affirment également que Huawei est liée au gouvernement chinois et que ses équipements qu'elle vend pourraient contenir des "portes dérobées" utilisées par les services secrets du régime communiste pour avoir accès aux systèmes vendus.

Aucune preuve n'a été produite publiquement et la société a à plusieurs reprises nié ces allégations.

La presse officielle chinoise est très critique de la détention de Meng Wanzhou. Elle accuse les Etats-Unis d'essayer "d'étouffer" Huawei et de freiner son expansion mondiale. (avec Anna Mehler Paperny à Toronto, David Ljunggren à Ottawa, Karen Freifeld à New York, Ben Blanchard et Yilei Sun à Pékin, Sijia Jiang à Hong Kong; Danielle Rouquié et Jean Terzian pour le service français)