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par Andrew MacAskill, Zandi Shabalala et James Davey

LONDRES, 19 octobre (Reuters) - Les manifestants anti-Brexit rassemblés samedi devant le Parlement de Westminster ont laissé éclater leur joie à l'annonce du vote par les députés d'un amendement reportant l'examen de l'accord de divorce obtenu par Boris Johnson à Bruxelles.

"Ecoutez-nous", déclarait l'un d'eux tandis que d'autres réclamaient la tenue d'un nouveau référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Des centaines de milliers de personnes ont défilé samedi dans les rues de Londres pour demander ce second référendum au moment même où le Parlement se réunissait en session extraordinaire un samedi, une première depuis la crise des Malouines en 1982.

Agitant des drapeaux de l'Union européenne et brandissant des messages d'opposition au Brexit, les manifestants s'étaient retrouvés à la mi-journée à Park Lane, près de Hyde Park, pour marcher sur Westminster.

"Je suis furieuse de ne pas être écoutée", expliquait Hannah Barton, 56 ans, venue du centre de l'Angleterre. "Presque tous les sondages montrent que les gens veulent désormais rester au sein de l'UE."

Le Brexit "est un désastre national qui se prépare et qui va détruire l'économie" britannique, a-t-elle ajouté.

Pour James McGrory, directeur de la campagne People's Vote à l'origine du rassemblement, le gouvernement doit entendre la colère des pro-Europe - les "Remainers" - et organiser un autre référendum sur le Brexit trois ans après la victoire du "oui" par 52% contre 48% lors de la consultation du 23 juin 2016.

"Ce nouvel accord ne ressemble en rien à ce qui a été promis au peuple et par conséquent, il n'est que justice que les électeurs méritent une nouvelle chance de s'exprimer", a-t-il dit.

Le nouvel accord arraché jeudi par Boris Johnson à moins de deux semaines de la date prévue pour le Brexit "ne ressemble en rien aux promesses qui ont été faites à la population et il est donc approprié que le peuple bénéficie d'une autre occasion de se prononcer", a-t-il souligné.

Dans l'après-midi, les députés ont adopté samedi par 322 voix contre 306 l'amendement du député Oliver Letwin qui prévoit de reporter tout vote sur le Brexit tant que la législation nécessaire à son application n'a pas été votée au Parlement. .

DIVISIONS PROFONDES

Le Premier ministre, qui a succédé en juillet dernier à Theresa May à la tête du Parti conservateur et du gouvernement britannique, a promis de réaliser la sortie de l'UE au 31 octobre, coûte que coûte.

Réagissant au vote des députés, il a réaffirmé qu'il ferait tout pour que la sortie de son pays de l'Union européenne intervienne comme initialement prévu d'ici au 31 octobre.

"Je ne négocierai pas de report avec l'Union européenne et la loi ne peut pas m'y contraindre", a déclaré le chef du gouvernement britannique.

"Je vais dire à mes amis et mes collègues de l'UE exactement ce que j'ai dit à tous au cours des 88 derniers jours, depuis que je sers en tant que Premier ministre : que tout report serait mauvais pour ce pays, mauvais pour l'Union européenne et mauvais pour la démocratie", a-t-il ajouté.

Depuis trois ans, le sujet du Brexit a profondément divisé familles, partis politiques, députés outre-Manche. Dans ce contexte, les deux camps ont conscience que ce samedi peut devenir l'un des jours les plus importants de l'histoire britannique récente: un tournant qui pourrait façonner l'avenir du Royaume-Uni pour des générations.

Depuis juillet 2017, quelque 226 sondages ont mesuré le sentiment de l'opinion britannique, selon l'institut YouGov. A 204 reprises, le maintien dans l'UE l'a emporté; le Brexit est arrivé en tête dans sept autres. Les deux camps étaient à parts égales dans les autres.

Mais d'autres enquêtes d'opinion dessinent un tableau différent: ainsi, un sondage ComRes portant sur un échantillon sans équivalent dans les autres études montre que 50% des sondés veulent que le résultat du référendum soit respecté, 42% veulent que le Royaume-Uni demeure dans l'UE et 8% disent ne pas avoir d'avis sur la question.

Et les partisans du Brexit arguent qu'organiser un nouveau référendum ne ferait qu'ouvrir davantage encore les déchirures de la société britannique et porterait atteinte à la démocratie, puisque la volonté majoritaire du peuple s'est déjà exprimée il y a un peu plus de trois ans.

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CHRONOLOGIE du feuilleton du Brexit (Jean Terzian et Marine Pennetier pour le service français, édité par Henri-Pierre André)