Genève (awp/ats) - A Genève, le chapitre des plaidoiries s'est ouvert vendredi au procès en appel du magnat des mines Beny Steinmetz. Les avocats de ses deux acolytes ont critiqué le jugement de première instance, "truffé d'erreurs", et plaidé l'acquittement devant la Chambre pénale d'appel et de révision.

"Ce jugement est difficile à comprendre. Il reprend la thèse manichéenne de l'accusation", a critiqué Jean-Marc Carnicé, avocat de l'homme de terrain en Afrique. Une nouvelle fois, il a dénoncé "une instruction orientée, entièrement à charge". Il y voit "la volonté impérialiste du Ministère public de vouloir juger ce qui se passe à des milliers de kilomètres de Genève."

Les trois prévenus ont été condamnés en 2021 pour corruption d'agents publics étrangers pour avoir versé 8,5 millions de dollars entre 2006 et 2012 à Mamadie Touré, la quatrième épouse du président guinéen Lansana Conté. L'objectif était de permettre au groupe minier Beny Steinmetz Group Resources (BSGR) d'obtenir les droits sur les gisements de fer au Mont Simandou, alors détenus par Rio Tinto.

Zones libres

Selon Me Carnicé, il n'était pas nécessaire de corrompre pour obtenir des droits. "Très mécontentes, les autorités guinéennes ont décidé souverainement de les retirer à Rio Tinto en 2008, car la société n'avait rien fait en onze ans", a-t-il expliqué. Et deux ans plus tôt, BSGR avait déjà reçu des permis d'exploration sur des zones libres de droits, grâce au réseau tissé par l'homme de terrain.

Actif dans l'import-export en Afrique, ce Français se rend en 2003 puis en 2005 en Guinée, où tout le monde parle des mines et y voit une opportunité qu'il va étudier de près, a raconté l'avocat. Les connaissances d'une relation d'affaires lui permettent de rencontrer "assez facilement" le président Conté en 2005. "Il n'a pas eu besoin de Mamadie Touré pour cela."

"Il n'y a d'ailleurs aucune preuve dans le dossier que Mme Touré allait influencer le président", a relevé Me Carnicé pour écarter la thèse du "pacte corruptif". Selon lui, cette thèse repose sur les seules déclarations de cette femme, mais "rien dans les écoutes du FBI ne permet de démontrer son existence." D'ailleurs, son client n'a pas été condamné pour cela aux Etats-Unis.

Des conflits

Me Carnicé s'en est aussi pris à la thèse de la société-écran qui aurait servi à payer Mamadie Touré. Pour preuve, le rachat par BSGR en 2008 de cette société servant à rémunérer le Français et ses associés, en tant qu'apporteurs d'affaires, et, en cascade, les partenaires locaux, a provoqué des conflits, a indiqué l'avocat.

"Alors qu'un projet minier allait rapporter de l'argent, mon client s'est fait imposer cette vente à 22 millions de dollars par ses deux associés", a-t-il relevé. Ensuite, BSGR n'a pas respecté les échéances de paiement, et les parties ont pris des avocats. Au final, la vente a rapporté 34,5 millions, "un montant qui n'a rien à voir avec une quelconque corruption", a plaidé Me Carnicé.

Compétence contestée

Dans la foulée, les associés ont décidé de dédommager leurs partenaires locaux. Mamadie Touré, qui figure à la place de son frère sur le contrat, reçoit 3,4 millions à titre de compensation de sa participation dans la société. Pour Dominique Ritter, qui défend aussi le Français, c'est le seul montant que son client remet à Mme Touré, alors que le jugement lui impute des montants plus importants.

L'avocate a aussi contesté la compétence du tribunal genevois dans cette affaire guinéenne. "Le procureur a voulu instruire. Il a bricolé pour donner du poids aux actes de la directrice administrative des sociétés de BSGR à Genève, alors que les faits se sont déroulés sur sept ans", a-t-elle indiqué.

Pas d'intention

En fin d'après-midi, l'avocate de cette employée a plaidé à son tour. "L'accusation en a fait le maillon indispensable à la thèse de la société-écran", a déploré Corinne Corminboeuf Harari. Or il n'est pas possible de lui attribuer une intention de corrompre ni celle d'établir un faux dans les titres. "Elle a toujours essayé de concilier au mieux les instructions reçues de chaque côté."

Les avocats de Beny Steinmetz plaideront lundi. Ce sera ensuite au tour du Ministère public de requérir.