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Désaccords sur le plafonnement du prix du gaz, les commandes communes, les boucliers tarifaires

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Une majorité de pays favorables à un plafonnement du prix du gaz

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Le taux de remplissage des stocks de gaz de l'UE dépasse 90%

par Jason Hovet, Sabine Siebold et Robert Muller

PRAGUE, 7 octobre (Reuters) - Les désaccords entre dirigeants des pays de l'Union européenne sur le plafonnement des prix du gaz et les boucliers tarifaires adoptés au niveau national ont refait surface vendredi à Prague, la Pologne accusant en particulier l'Allemagne de faire preuve d'"égoïsme" dans sa réponse à la crise énergétique provoquée par l'invasion russe en Ukraine.

Une majorité d'Etats membres ont demandé à Bruxelles de proposer un plafonnement des prix du gaz, mais le diable se cache dans les détails, certains pays plaidant pour une mesure portant sur l'ensemble des achats tandis que d'autres voudraient la limiter au gaz servant à produire de l'électricité.

Les prix du gaz ont flambé depuis que l'Union européenne a entrepris de se sevrer du gaz russe, qui représentait avant la guerre 40% de ses importations - contre environ 10% aujourd'hui. Même s'ils ont récemment diminué un peu, ils restent supérieurs de 200% à ceux de septembre 2021.

Leur plafonnement ne fait pas l'unanimité. L'Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas notamment sont opposés au principe car ils craignent que cela complique leur approvisionnement tout en réduisant les incitations à la sobriété.

A son arrivée au sommet européen de Prague, le chancelier autrichien Karl Nehammer a insisté pour que toute mesure de plafonnement prenne en compte les intérêts des producteurs.

"Les négociations continuent. Et elles vont être intenses parce que nous avons pour objectif de soutenir (...) les fournisseurs d'énergie afin que l'offre de gaz ne diminue pas", a-t-il déclaré.

Le Premier ministre tchèque Petr Fiala a plaidé pour sa part pour un plafonnement limité au gaz utilisé dans les centrales électriques, tandis que son homologue luxembourgeois Xavier Bettel a mis en garde contre une situation qui empêcherait les pays de l'UE de s'approvisionner sur le marché mondial.

"ÉGOÏSME ALLEMAND"

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a dit ne pas s'attendre à ce qu'une décision à ce sujet soit prise ce vendredi, mais plutôt lors du prochain sommet les 20 et 21 octobre.

Dans ce contexte, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a violemment critiqué le bouclier tarifaire de 200 milliards d'euros récemment dévoilé par l'Allemagne.

"L'égoïsme allemand doit être remisé au placard", a pesté le chef du gouvernement polonais, en mettant en garde contre le creusement d'un fossé entre les pays riches qui peuvent se permettre d'importantes dépenses budgétaires, et les autres.

Le Premier ministre belge Alexander De Croo a néanmoins fait remarquer qu'en l'absence de réponse commune, les Etats membres devaient bien prendre leurs propres mesures pour protéger les entreprises et les ménages des conséquences de la flambée des prix de l'énergie.

"On ne peut pas demander aux gens de se débrouiller face au froid", a-t-il dit. "La vraie solution, c'est qu'on agisse ensemble sur les marchés, et il n'y aura ainsi plus besoin de plans d'aide nationaux."

Face à ces bisbilles, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Paolo Gentiloni, a rappelé que la dernière chose que l'UE peut se permettre dans le contexte géopolitique actuel est "la fragmentation, une division entre pays européens".

Le tableau n'est cependant pas totalement sombre. Avec des stockages de gaz désormais remplis à 90%, les Vingt-Sept sont armés pour passer l'hiver sans trop de heurts, a souligné la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

"Nous avons une première ligne de défense pour notre marché intérieur", a-t-elle dit. "Il est maintenant temps de discuter des moyens de limiter les pics des prix de l'énergie et la manipulation des prix de l'énergie par (le président russe Vladimir) Poutine." (Reportage de Jan Strupczewski, Kate Abnett, Jason Hovet, Alan Charlish, Sabine Siebold, Michel Rose, Michael Kahn, Pawel Florkiewicz, Marine Strauss, Sudip Kar-Gupta, Charlotte van Campenhout ; version française Tangi Salaün, édité par Sophie Louet)