Difficile de suivre l’évolution des droits de douane, tant les changements sont réguliers. Heureusement pour nous, nous pouvons nous appuyer sur le laboratoire de recherche de l’université de Yale, qui en fait un suivi détaillé.
De 2.4 à 17.8%
Selon les estimations publiées sur leur site et qui prend en compte les derniers changements - la baisse des droits de douane sur les produits chinois de 145% à 30% - le taux effectif de droits de douane aux Etats-Unis passerait de 2.4% à 17.8%, ce qui serait un niveau record depuis 1934.
Estimation du taux effectif de droits de douane aux Etats-Unis. Source : Yale Budget Lab
En d’autres termes, malgré la détente observée depuis un mois – suspension des droits de douane réciproques, exemptions sur les smartphones et ordinateurs, accord avec le Royaume-Uni et pause avec la Chine - les droits de douane sont toujours historiquement élevés et la remontée brutale aura des impacts importants. Ainsi, selon les estimations de l’Université de Yale, l’inflation augmenterait de 1.7% à court terme (sans ajustement de taux de la part de la Fed). Cette estimation repose aussi sur l’hypothèse que la part de chaque pays dans les importations américaines reste inchangée.
Un découplage qui se poursuit
Mais évidemment les droits de douane entraineront un changement dans la part de chaque pays dans les importations américaines, et en particulier une diminution du poids de la Chine. Un mouvement qui a déjà commencé lors du premier mandat de Donald Trump. Les droits de douane imposés à la Chine ont provoqué une réorganisation des chaines de valeurs, avec certaines capacités de production déplacées de Chine vers des pays d’Asie du Sud-est, comme le Vietnam, tandis que des produits chinois transitent par des pays tiers, comme le Mexique.
Ainsi, la part des produits chinois dans les importations américaines a déjà été divisée par deux, passant de 22% au début du premier mandat de Donald Trump à 11% au premier trimestre 2025.
Et tout porte à croire que ce mouvement devrait se poursuivre. Car à date, ce sont les produits chinois qui sont les plus taxés (à 30%). Et au-delà, les Etats-Unis et la Chine sont engagés dans une compétition pour la place de première puissance mondiale. Et dans cette course, chacun essaie de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’autre.
Ainsi, la Chine essaye de diversifier ses achats de matières premières agricoles et d’énergie. C’est notamment avec cet objectif que Pékin accueillait cette semaine les représentants de 33 pays d’Amérique Latine.
Les Etats-Unis, de leur côté, lancent plusieurs initiatives dans le but de diversifier leurs approvisionnements en métaux critiques et terres rares : accord avec l’Ukraine, relance de certains projets aux Etats-Unis, autorisation de l’exploitation des fonds marins. Même si compte tenu du temps nécessaire au développement de ces projets, il sera très difficile pour les Etats-Unis de se passer de la Chine qui contrôle la majorité de cette chaîne de valeurs (extraction + raffinage).
Les entreprises américaines commencent aussi à se réorganiser. Apple, par exemple, prévoit d’assembler en Inde tous les iPhone à destination du marché américain d’ici à fin 2026.
Reste à voir comment les négociations actuelles entre les Etats-Unis et la Chine aboutiront. Pour rappel, début 2020, la "première guerre commerciale" se conclut par un accord dit de phase 1 entre les Etats-Unis et la Chine. Un accord qui n’a pas vraiment été respecté et qui n’a pas non plus empêché la baisse tendancielle de la part de la Chine dans les importations américaines.