Vincent Chaigneau, directeur de la Recherche chez Generali Investments a présenté à AOF ses perspectives 2021. Face à la faiblesse persistante des taux, les actions restent un moteur de performance à condition d'être vigilant.

L'économie européenne entrevoit-elle le bout du tunnel ?

Le quatrième trimestre 2020 a clairement été faible en Europe. Nous tablons sur un PIB en repli de près de 3% sur le trimestre. Le premier trimestre pourrait s'avérer légèrement négatif également, du fait du nouveau durcissement des mesures de restriction. Le retour à la normale pourrait intervenir à partir du printemps, en partie grâce aux campagnes vaccinales. D'ici la fin de l'année 2021, le PIB devrait avoir retrouvé son niveau du quatrième trimestre 2019. 2021 sera une année de "réparation" des dommages causés par le Covid-19. Les bonnes nouvelles sur les vaccins ont dissipé les craintes des investisseurs. Ils ont intégré le scénario d'une forte accélération de la croissance d'ici l'été. Bien sûr, une mauvaise nouvelle sur les vaccins engendrerait une réponse aussi rapide que négative.

Croisons les doigts sur les vaccins donc. En cas de succès, l'optimisme serait-il enfin de mise ?

Pas vraiment. Si le retour à la normale se matérialise progressivement à partir du printemps, les impacts de la crise sanitaire ne vont pas disparaître si facilement. La croissance potentielle de la zone euro en sort affaiblie, le chômage plus élevé, sans parler des niveaux d'endettement des états comme des entreprises. Ce mauvais cocktail va forcément peser sur la croissance. Par ailleurs, les exceptionnelles mesures de soutien prises par les gouvernements ont un revers. Elles ont renforcé la " zombification " de l'économie. Les Etats comme les banques centrales ont sauvé des entreprises sans discernement. Résultat: nombre d'entre elles ont évité, pour le moment, une faillite qui les guette de toute manière.

Les taux semblent se redresser, cette tendance pourrait-elle se prolonger ?

Selon nous, les rendements obligataires vont rester très bas cette année. Parmi les raisons de cette faiblesse, les taux directeurs bas et les achats des banques centrales bien sûr, mais aussi la nécessité pour les assureurs d'économiser leurs fonds propres, et donc, d'investir dans des actifs à duration longue, comme les obligations souveraines. La baisse des taux s'est propagée au crédit. Ainsi, les perspectives de rendement de l'Investment Grade sont très faibles. Un emprunt européen noté BBB rapporte à peine 0,4% !

Pour obtenir du rendement, les actifs à risque restent, encore une fois,  la panacée ?

L'environnement est plus porteur pour les actifs à risque, et notamment les actions. Nous suivons de près les cycliques. Selon nous, la rotation sectorielle entamée à l'automne va se poursuivre cette année. Des secteurs comme les financières, les loisirs et le tourisme, le transport, les automobiles ou encore l'énergie disposent encore d'une marge de progression. Par ailleurs, les devises et les actions des pays émergents offrent un bon rapport qualité-prix. Elles ont souffert en 2020 et pourrait bénéficier d'un effet rattrapage. Nous restons longs sur le crédit, mais moins qu'avant. 2021 ne sera pas une année linéaire, les points de vues sont devenus assez consensuels et un positionnement extrême risque de se développer d'ici le printemps. Nous recommandons d'utiliser le premier trimestre pour construire des stratégies de couverture.

Propos recueillis par Pierre-Jean Lepagnot