HONG KONG, 29 juin (Reuters) - Alors que Hong Kong commémore samedi le 20e anniversaire de sa restitution à la Chine, Lau Mei-tin, vendeuse de légumes sur un marché de la ville, n'est pas d'humeur festive.

L'envolée des prix de l'immobilier a poussé les loyers à la hausse et alimente par un effet de domino l'inflation des biens et services dans le territoire. Comme Lau Mei-tin, une large fraction des 7,3 millions de Hongkongais doivent trouver de nouvelles sources de revenus.

"Il faut travailler jusqu'à sa mort. Si on ne travaille pas pas toujours plus, on ne peut pas faire face au coût de la vie. La situation à Hong Kong est atroce", explique-t-elle.

D'après des données du gouvernement de la "région administrative spéciale", les inégalités de revenus dans le territoire sont à leur plus haut niveau depuis plus de quarante ans, fragilisant les populations les plus vulnérables et risquant d'attiser les tensions sociales.

Une étude de l'ONG Oxfam s'appuyant sur des données du département hongkongais des études statistiques montre que les revenus des 10% de foyers les plus riches sont 44 fois plus élevés que ceux des 10% de foyers les plus pauvres. Pour ceux-là, le revenu moyen est de 2.560 dollars hongkongais par mois, soit un peu moins de 290 euros.

Le coefficient de Gini, autre mesure des inégalités de revenus, a atteint l'an dernier 0,539 sur une échelle de 0 à 1, au plus haut depuis quarante ans (0 rend compte d'une situation d'égalité parfaite où tous les salaires, les revenus, les niveaux de vie seraient égaux; à 1, il rend compte d'une situation la plus inégalitaire possible, où tous les salaires sauf un seraient nuls).

A titre de comparaison, à Singapour, autre plateforme financière asiatique, l'indice synthétique de Gini est redescendu à 0,458 en 2016, au plus bas en dix ans. En 2014, selon l'OCDE, il était de 0,394 aux Etats-Unis, de 0,358 au Royaume-Uni, l'ex-puissance coloniale, et de 0,294 en France.

Au sommet de l'échelle sociale, Hong Kong présente la plus forte concentration d'individus possédant des richesses dépassant les 30 millions de dollars. Seuls New York et Londres sont au-dessus dans ce classement réalisé par Knight Frank, une firme de consultants spécialiste du marché de l'immobilier.

Car Hong Kong est l'une des villes les plus chères du monde. Un studio de 18 m² peut y atteindre les 500.000 dollars.

L'insuffisance de l'offre, les taux d'intérêt bas et les flux massifs d'argent en provenance de Chine continentale expliquent pourquoi les prix de l'immobilier ont flambé de 137% depuis la crise financière de 2008.

Dans ces conditions, près de 30% des ménages, soit deux millions de personnes, vivent dans des logements sociaux subventionnés par les autorités, mais le temps d'attente avant l'attribution d'un de ces logements dépasse aujourd'hui les quatre années.

Carrie Lam, la nouvelle chef de l'exécutif qui prendra officiellement ses fonctions samedi, s'est dit "tout à fait déterminée" à s'attaque au coût du logement. Et le gouvernement travaille sur un plan foncier sur dix ans visant à libérer des terrains pour la construction de logements publics et privés. (Pak Yiu et Stefanie McIntyre; Henri-Pierre André pour le service français)