Gérard Moulin, Responsable pôle actions européennes et gérant du fonds Pricing Power d'Amplegest, ne juge pas anormal que les investisseurs revoient à la baisse leurs prévisions de croissance des marges bénéficiaires dans un contexte de ralentissement de la croissance et de retour des tensions inflationnistes. Mais qu'ils le fassent indistinctement sur l'ensemble de la cote l'est en revanche davantage, ajoute-t-il. "Car toutes les valeurs sont loin d'être logées à la même enseigne, loin s'en faut", précise le professionnel.

Gérard Moulin prend l'exemple de l'automobile " premium " allemand.

Les derniers résultats trimestriels de BMW et de Mercedes-Benz Group font état d'une progression de leur retour sur capitaux employés ou encore de leur chiffre d'affaires, en dépit de la baisse de leurs nouvelles immatriculations.

Dit autrement, indique le responsable, ces groupes ont compensé la crise d'offre à laquelle ils sont confrontés du fait de leurs problèmes d'approvisionnement et de supply chain par une poursuite des montées en gamme et par des hausses de prix largement consenties par leurs clients.

Et les perspectives de long terme ne sont pas moins favorables, souligne Gérard Moulin. La force de leur image et la transformation de leur chaîne de valeur vers les services leur permettent en effet de résister à l'inéluctable banalisation à venir du secteur.

Pour le gérant, il s'agit de deux cas d'école de Pricing Power, donc, dont les potentialités à long terme restent pourtant largement ignorées par les investisseurs.

Après leur décrochage du début de l'année, ils s'échangent autour de 6 à 7 fois leur résultat, comme n'importe quelle valeur cyclique, alors que leurs multiples de valorisation devraient avoisiner ceux du luxe, avec lequel ils partagent de nombreux attributs, assure-t-il.

Pourquoi une telle cécité ? Selon Gérard Moulin, une première réponse tient à la nature même des intervenants sur les marchés boursiers.

L'omniprésence des algorithmes et des robots génère du bruit et altère la capacité à court terme de la cote à refléter les changements de paradigme.

Mais au-delà de ces enjeux techniques, ce qui se joue aujourd'hui est la capacité des investisseurs à se saisir de ce nouvel environnement dans leur grille de lecture, estime le gérant.

Survivance d'une époque désormais révolue, les statuts boursiers restent encore la boussole générale. Ils rassurent, alors même que le contexte inflationniste sape leur capacité à déceler les potentiels réels de création de la valeur et de résistance aux chocs exogènes.

"Au moment où l'inflation accélère l'obsolescence de ce type de référentiel, la capacité d'une entreprise à décider durablement et sans entrave de sa politique de prix devrait être plus que jamais l'aiguillon central d'une stratégie d'investissement sur les marchés d'actions, préalable à un meilleur discernement. Le temps se chargera de le prouver", conclut Gérard Moulin.