Depuis début avril, nous vivons au rythme des annonces tarifaires de Donald Trump. La séquence commence le 2 avril, avec l’annonce de droits de douane réciproques pour tous les pays. Le président américain les a ensuite suspendus le 9 avril, tout en conservant un taux de 10% universel. Sauf vis-à-vis de la Chine, où l’escalade nous a amené à 145% de surtaxes sur les produits chinois et 125% sur les produits américains. Ajouté à cela les droits de douane pour l’automobile, l’acier et l’aluminium, l’exemption pour les ordinateurs et smartphones chinois (toujours taxés mais à hauteur de 20%) et les enquêtes en cours sur les semi-conducteurs, le secteur de la pharma et les minéraux critiques.

Un chaos économique qui se traduit sur les marchés financiers par des retournements violents et des mouvements que les investisseurs ne sont pas habitués à voir. Ainsi, nous avons connu depuis le début du mois plusieurs séances où l’ensemble des actifs américains ont baissé de concert : les actions, les Treasuries et le dollar. A rebours du playbook traditionnel. Car habituellement, quand l’ambiance devient négative sur les marchés, les investisseurs sortent des actifs risqués, comme les actions, pour se repositionner sur les actifs jugés sûrs : le dollar et la dette américaine. Donc la plupart du temps, lorsque les indices actions décrochent, on observe un rallye sur le dollar et les Treasuries. Et même lorsque les Etats-Unis avaient perdu leur triple A – la meilleure note pour la dette – le 5 août 2011, c’est ce schéma qui avait prévalu.

Mais ce n’est pas ce que l’on observe depuis début avril. Désormais, il y a des séances où tous les actifs américains baissent de concert. Cela conduit certains observateurs à faire un parallèle entre la situation actuelle et le "triple yasu" japonais. Cette expression fait référence aux années 1990, une période marquée par des séances où le yen, le Nikkei et les obligations souveraines japonaises baissaient simultanément. Cette dynamique était alors perçue comme le symbole du déclin du Japon dans le monde.

En effet, après la Seconde Guerre mondiale, le Japon a connu trois décennies de forte croissance. Une croissance frénétique qui a conduit à une bulle immobilière et financière, qui a éclaté dans les années 90, mettant fin au "miracle japonais". S’en suivront des décennies de croissance faible et un Nikkei qui mettra 35 ans à dépasser son pic de 1989.

Les Etats-Unis en sont-ils au même point ? Nous n’allons pas ici tirer de conclusions hâtives. Mais ce qui est certain, c’est que les investisseurs ont vécu pendant une quinzaine d’années dans l’idée qu’il ne fallait jamais parier contre les Etats-Unis. Et le simple fait que cet élément soit aujourd’hui remis en cause n’est pas neutre. Car le risque pour les Etats-Unis, c’est de casser un cercle vertueux d’afflux de capitaux des investisseurs internationaux qui se traduisait par plus d’investissements et in fine plus de croissance. Ce qui en retour confortait les investisseurs dans leur pari sur les Etats-Unis.

Le résultat de cette belle mécanique, c’est que tout le monde était structurellement sur surexposé sur les Etats-Unis. Donc si tous les actifs américains baissent en même temps, c’est parce que les investisseurs sont maintenant dans une logique de réduction de leur exposition aux Etats-Unis, et de réallocation sur d’autres zones géographiques. Mais après quinze ans d’afflux massifs, un tel rééquilibrage ne peut pas se faire du jour au lendemain. Vendre les Etats-Unis est peut-être en train de devenir le nouveau trade à la mode.