Londres (awp/afp) - La volte-face du gouvernement britannique sur une baisse d'impôts pour les plus riches a contribué à apaiser l'incendie provoqué sur les marchés par un coûteux paquet budgétaire annoncé le 23 septembre, mais le feu n'est pas éteint.

Face à la pression du parti conservateur qui voit sa cote de popularité fondre, la Première ministre Liz Truss et le Chancelier de l'Échiquier Kwasi Kwarteng ont twitté lundi qu'ils renonçaient à cette baisse de 45% à 40% du taux d'impôt pour la tranche supérieure de revenus.

"Les actifs britanniques ont réagi favorablement au revirement du Chancelier" mais "des questions demeurent sur l'augmentation de dépenses budgétaires importantes et non financées", note Jane Foley, analyste de Rabobank interrogée par l'AFP.

La livre, tombée le 26 septembre à son plus bas historique après la présentation budgétaire de M. Kwarteng, est remontée un peu mais reste à des niveaux historiquement très déprimés.

Les taux d'emprunt de l'Etat britannique à long terme ne sont par ailleurs pas totalement retombés. Ils ont flambé à plus de 5% après la déclaration budgétaire de M. Kwarteng, un plus haut depuis 2008, et se situaient lundi encore à quelque 3,7% vers 13H45 GMT, contre 3% début septembre et moins de 1% fin 2021.

Cette envolée renchérit le financement de la dette britannique à l'heure même où l'inflation s'envole à près de 10%, la plus élevée du G7, et où Londres veut emprunter beaucoup plus.

L'ensemble des mesures de relance, entre aides aux factures énergétiques et baisses d'impôts tous azimuts (cotisations sociales, impôt sur les sociétés, contributions environnementales...), est évalué à entre 100 et 200 milliards de livres par les économistes, mais n'a pas été totalement chiffré par le gouvernement.

Les marchés se sont mis à douter de la capacité du pays à rembourser ses dettes et la crédibilité du gouvernement et en particulier du Chancelier s'est retrouvée très écornée.

La commission du Trésor du Parlement a demandé à Downing Street de publier des prévisions budgétaires avant les prochaines annonces fiscales du Chancelier, mais ce dernier s'y refuse pour l'instant.

Le 29 septembre, en pleine tempête sur les marchés, la banque d'Angleterre avait admis un risque de déstabilisation des marchés britanniques et était intervenue dans l'urgence pour racheter des bons d'Etat à long terme.

Des fonds de pension s'étaient retrouvés notamment menacés de faillite à cause de l'emballement des taux des bons de l'Etat à trente ans.

Le Fonds monétaire international s'en est mêlé, appelant vertement - et inhabituellement - Downing Street à corriger le tir.

L'agence de notation S&P a pour sa part revu à la baisse sa prévision pour la dette souveraine britannique, et l'agence rivale Moody's avait déjà averti M. Kwarteng que sa stratégie fiscale risquait d'"affaiblir de façon permanente la capacité du pays à se financer à un coût abordable".

Pas sortie d'affaire

Mme Foley estime que "la livre est loin d'être sortie d'affaire".

Les taux d'emprunt de l'Etat à long terme "continuent à refléter la nervosité des investisseurs, et jusqu'à ce que nous ayons plus de clarté sur les perspectives budgétaires, ils resteront sous pression", renchérit Chris Beauchamp, analyste chez IG Index, interrogé par l'AFP.

Le dispendieux plan du gouvernement Truss, s'il devrait faire baisser l'inflation à court terme en plafonnant les prix de l'énergie, génère de l'inflation à long terme en envoyant des milliards de livres de liquidités dans l'économie.

"La BoE se retrouve à appuyer sur le frein et sur l'accélérateur en même temps", résume Fawad Razaqzada, analyste chez City Index.

D'une part, le rachat des bons du Trésor s'assimile à du soutien monétaire sous forme d'"assouplissement quantitatif".

D'autre part, le budget enflé du gouvernement Truss devrait forcer la banque à relever son taux directeur plus fort que prévu, ce qui risque de plomber l'activité économique, notamment le marché immobilier.

Le financement hypothécaire devrait "rester fragile tant que les prêteurs restent incertains de la direction des taux", note Francesco Pesole, d'ING.

Seul point positif: contrairement à ce qu'avait craint la Banque d'Angleterre, le Royaume-Uni n'est pas encore en récession, même si sa croissance fait du surplace.

afp/ol