PARIS, 5 juin (Reuters) - Les anticipations de marché impliquant jusqu'à trois baisses de taux de 25 points de base chacune par la Réserve fédérale d'ici la fin de l'année ont encore été confortées mercredi par l'enquête mensuelle ADP sur l'emploi mais peuvent sembler excessives au regard de la situation de l'économie américaine.

Certes, les derniers indicateurs avancés, comme les indices ISM du secteur manufacturier et non-manufacturier, signalent un ralentissement à venir de la croissance de l'économie des Etats-Unis, comme le note Joseph Lavorgna, économiste de Natixis.

Le redressement de l'indice du secteur des services au mois de mai à 56,9 contre 55,5 le mois précédent n'a que partiellement compensé la nouvelle dégradation de celui du secteur manufacturier à 52,1 contre 52,8, qui demeure toutefois supérieur au seuil de 50 séparant les phases de contraction et d'expansion de l'activité.

Pour autant, le ralentissement attendu de la croissance de l'économie l'américaine n'est pas tel qu'il puisse justifier des anticipations aussi fortes de baisse de taux.

DIVERGENCE D'ANTICIPATIONS

Konstantinos Venetis et Davide Oneglia, économistes de TS Lombard, soulignent ainsi la divergence entre le consensus des prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis et les anticipations de marché sur le nombre de baisse de taux par la Réserve fédérale aux Etats-Unis.

Pour Anton Brender, chef économiste de la société de gestion Candriam, l'économie américaine doit décélérer car l'expansion bute désormais sur la disponibilité de la main d'oeuvre.

La croissance élevée du premier trimestre, à 3,1% en rythme annuel, est en partie le reflet d'une accumulation rapide de stocks mais la demande intérieure continue de progresser, la confiance des ménages est élevée et les commandes de biens d'équipement sont en hausse, relève-t-il.

"Avec un taux de chômage à 3,6%, son niveau le plus faible depuis un demi-siècle, les entreprises ont de plus en plus de mal à trouver la main d'oeuvre qui leur est nécessaire."

Face à cette contrainte, "la Fed voulait un ralentissement de l'économie et ce ralentissement, elle est en train de l'obtenir peut-être au-delà de ce qu'elle souhaitait et par des moyens différents de ceux qu'elle avait en tête" du fait de l'incertitude créée par les tensions commerciales initiées par le président américain Donald Trump.

"La Fed a monté ses taux pour freiner l'économie américaine, désormais l'incertitude freine l'économie pour elle mais dans tous les cas, nous allons vers une économie américaine qui décélère", insiste Anton Brender.

"La grande question est de savoir où vont les taux longs américains. Les rendements à dix ans peuvent remonter à 2,5% si la tourmente créée par Donald Trump se calmait. Mais si une nouvelle dégradation devait intervenir, les taux longs iraient plutôt vers 2% que 2,5%, ce qui en soi serait un facteur de stabilisation de l'économie."

"La question serait alors de savoir si la Fed aurait besoin de faire baisser les taux courts pour faire reculer plus encore les taux longs. Nous n'excluons pas, si les choses devaient continuer d'empirer, que la Fed accompagne la baisse des taux longs par une baisse des taux courts mais nous sommes plutôt sur une à deux baisses de taux d'ici la fin de l'année prochaine plutôt que sur quatre comme l'anticipent les marchés."

* Perspectives économiques et financières. Candriam. Présentation 4 juin 2019

* The trade vortex. Liquid insight. Bank of America Merrill Lynch. 4 juin 2019

* A chart for your thoughts... The manufacturing ISM survey confirms a sharp Q2 slowdown in GDP. Natixis. 3 juin 2019

* Wake-up call. Global leading indicators. TS Lombard. Mai 2019

(Marc Joanny, édité par Blandine Hénault)