Est-ce le début de la tant attendue récession américaine ? Depuis trois ans maintenant, les marchés financiers vivent avec ce spectre, que toute mauvaise statistique économique ravive. Et les économistes passent leur temps à changer de scénario, oscillant entre le soft landing (atterrissage en douceur, donc simple ralentissement de la croissance), le hard landing (atterrissage brutal, donc la récession) et le no landing (pas d’atterrissage, donc une économie qui continue à croître).
Reprenons les choses dans l'ordre. En 2022, face au retour de l'inflation, la Fed entame un cycle de hausse de taux. A partir de là, les craintes autour d’une récession américaine deviennent un sujet central pour les marchés. Pourquoi ? Parce qu'historiquement c'est souvent à cela qu'aboutit un resserrement monétaire : la Fed monte les taux jusqu'à ce que quelque chose casse.
D’autant qu’à l’époque, la Fed se montrait déterminée à ramener l'inflation à 2%, peu importe le coût pour la croissance. Le double mandat (stabilité des prix et emploi maximum) n’était plus d’actualité et l’attention était uniquement portée sur l’inflation. Un volontarisme qui a culminé au traditionnel symposium de Jackson Hole, en août 2022, où Jerome Powell, dans un discours expéditif de huit minutes, nous promettait ni plus ni moins que du sang et des larmes. Et les actes ont suivi les paroles, avec une remontée de taux à la cavalcade, par pas de 50 puis de 75 points de base.
Mais malgré l’action de la Fed, l’économie américaine a continué sa folle course en avant, bien aidée par une politique budgétaire ultra expansionniste. Résultat, une croissance à 2.5% en 2022, puis 2.9% en 2023 et 2.8% en 2024. Bien loin d’une contraction de l’activité. Et à force de parler de "l’exceptionnalisme américain", tout le monde avait fini par capituler sur l’idée d’une récession aux Etats-Unis.
Sauf que depuis quelques semaines, les investisseurs voient revenir, tel un boomerang, la conversation autour de la récession. En effet, les deux premiers mois de la présidence Trump ont été marqués par des annonces quasi quotidiennes sur les droits de douane. Sans compter les annonces fracassantes du DOGE sur d’éventuelles réductions des dépenses publiques. Tout cela crée beaucoup d’incertitudes et entame la confiance des ménages comme des chefs d’entreprise. Dès lors, la consommation et l’investissement pourraient être affectés, avec au bout le risque d’une récession. Ces craintes se ressentent sur les indices actions américains. Le S&P500 a enregistré cette semaine son premier repli de 10% depuis 2022.
Mais tout cela ne sert-il pas Donald Trump ? Car la conséquence des craintes de récession sur les marchés, ce sont des taux longs qui baissent, un baril de pétrole en recul, et un dollar qui s’affaiblit. Ce sont exactement les objectifs de Donald Trump. Il veut des taux plus faibles pour alléger les coûts de financements, une baisse des prix de l’énergie pour faire baisser l’inflation, et un dollar plus faible pour favoriser la compétitivité des entreprises américaines. Tout ceci est un jeu assez dangereux. Mais rien de tel que la menace d’une récession pour forcer la main à la Fed, et la pousser à baisser davantage les taux. D’ores et déjà, les marchés anticipent trois baisses de taux de 25 points de base, d’ici à la fin de l’année.
Dessin : Amandine Victor
Auteur : Antoine Alves d'Oliveira