par Raoul Sachs

Ils soulignent que l'euphorie, qui a gagné les Bourses, a relégué aux oubliettes les réformes tant réclamées visant à éviter la crise sans précédent depuis 1929 que traverse, depuis deux ans maintenant, le système financier mondial.

L'optimisme ambiant a été conforté par des banquiers centraux comme Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale américaine et dans une moindre mesure Jean-Claude Trichet, président de la banque centrale européenne (BCE) qui, le week-end passé, ont clairement indiqué que le point bas de la récession avait été franchi tout en appelant à éviter l'excès d'optimisme et prévenu que la reprise serait semée d'embûches.

Les marchés n'ont pas voulu retenir non plus les appels de Jean-Claude Trichet à la vigilance et à tirer les leçons de la crise financière.

"A présent que nous observons des signes confirmant que l'économie réelle semble sortir de sa période de chute libre (..) l'erreur la plus grossière (...) serait d'oublier l'importance et l'urgence de cette tâche", a-t-il dit devant la conférence annuelle de la Fed à Jackson Hole (Wyoming).

Pour Antoine Brunet, économiste et directeur du cabinet de conseil AB Marchés, "on a l'impression sur les marchés d'un retour du 'business as usual'".

"On ne parle plus de réforme du système financier, on ne parle plus de réglementer les agences de notation, on ne parle plus de la valorisation des actifs toxiques des banques à qui on laisse le soin de les évaluer elles-mêmes", dit-il.

Pour Sebastian Paris-Horwitz, directeur de la stratégie chez Axa Investment Managers, la hausse des marchés tient au fait que, grâce à l'action massive des pouvoirs publics et des banques centrales, on a évité un "scénario de type 1930".

"Ce qui est clair cet été c'est que la sortie de récession de l'ensemble de l'économie mondiale se fera en 2009 et non pas en 2010 comme on le pensait. L'euphorie tient aussi à ça", dit-il en ajoutant que les actions bénéficient de flux favorables de gens qui craignent de "rater le 'rally'" - ces flux étant alimentés par les liquidités surabondantes qui cherchent à se placer.

"Les marchés anticipent, trop vite sans doute, la reprise économique. Avec la fin de la récession, on assiste à un retour de l'appétit pour les actifs risqués", explique-t-il.

"INFLATION PAR LES ACTIFS"

Pierre Vignaud, analyste technique chez CM-CIC Securities, qui note aussi des flux importants, voit les Bourses progresser encore. "Le CAC 40 va passer les 3.650 points, voire même monter à 3.730 avant de corriger en octobre ou novembre pour finir l'année à 3.700 points", dit-il.

"Après, en 2010, les choses vont changer. Je suis baissier à long terme", dit-il.

Vers 17h00 lundi, le CAC 40 gagnait 1,2% à 3.658,24 points, portant à près de 14% sa progression depuis début janvier.

Pour Sebastian Paris-Horwitz, 2010 sera plus compliquée à appréhender et il estime que les Bourses sont encore loin d'être entrées dans un cycle de "bull market" (marché haussier).

Comme Antoine Brunet, il estime qu'on se trouve dans un scénario macroéconomique en V et il s'interroge sur la façon dont les banques centrales et les gouvernements vont gérer la sortie de crise et l'éventuel reprise en évitant un coup d'arrêt brutal de soutien à l'économie et au système bancaire.

"On ne peut avoir dans la perspective d'une reprise à la fois une politique budgétaire expansionniste et une politique monétaire plus qu'accommodante", dit Antoine Brunet.

"Avec l'euphorie de la Bourse, il semble qu'une nouvelle bulle se dessine et on risque clairement une inflation des actifs", ajoute-t-il après avoir noté que les responsables de la Fed et de la BCE ont laissé entendre que la politique de taux bas serait poursuivie durablement dans la mesure où ils ne prévoient pas de hausse des prix à la consommation.

"Les Bourses sont déjà chères et les Bourses émergentes, qui ont tiré les autres, sont déjà trop chères", dit-il.

Les banques centrales et les pouvoirs public ont, depuis deux ans, injecté des sommes considérables pour éviter la dépression et l'effondrement du système financier mondial.

Les économistes de BNP Paribas estiment que les plus récentes statistiques publiées de part et d'autre de l'Atlantique "signalent que la croissance devrait être solide au 3e trimestre".

"Toutefois des doutes subsistent sur l'ampleur et la soutenabilité de la reprise au cours des prochains trimestres (...) Le chômage va continuer de progresser (...), l'ajustement des bilans des agents économiques privés est loin d'être arrivé à son terme (...) La sortie de crise sera très graduelle et une reprise durable ne semble pas envisageable avant le second semestre 2010", écrivent-ils dans une note hebdomadaire.

Sebastian Paris-Horwitz note que les résultats du 2e trimestre sont ressortis bien meilleurs qu'attendu parce que les entreprises ont réduit drastiquement leurs coûts. Des réductions de coût d'une telle ampleur ne peuvent pas continuer sans nuire à l'activité économique, estime-t-il.

Édité par Jean-Michel Bélot