RIPOSTE MILITAIRE

Si le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, et le président américain Donald Trump ont adopté un ton martial depuis le raid qui a visé le chef de la force d'élite Al Qods vendredi dernier, ni l'un ni l'autre ne sont allés jusqu'à afficher leur volonté de s'engager dans une guerre totale.

Soucieux de ne pas apparaître faible en Iran ou dans les pays alliés de la région, Ali Khamenei pourrait toutefois être tenté d'opter pour une riposte militaire, estime Karim Sadjadpour, du Carnegie Endowment for International Peace.

Réduite, cette riposte devrait être soigneusement calibrée, ajoute le chercheur, selon lequel "une réponse faible" ferait courir "le risque" à l'ayatollah "de perdre la face" et une réponse excessive risquerait "de lui coûter sa tête".

L'Iran a trois options, estimaient les renseignements militaires américains dans un rapport publié le mois dernier : son programme de missiles balistiques, ses forces navales, ses milices supplétives en Syrie, en Irak et au Liban.

Téhéran dit avoir en sa possession des missiles de haute précision, des missiles de croisière et des drones armés capables de frapper des bases militaires américaines dans le Golfe et d'atteindre Israël, ennemi juré de la République islamique.

L'Iran, ou ses alliés dans la région, pourraient également s'en prendre à des pétroliers dans le Golfe et dans la mer Rouge, voies maritimes stratégiques pour le pétrole et pour le commerce reliant l'océan Indien à la mer Méditerranée via le canal de Suez.

BLOQUER LE DETROIT D'ORMUZ

Autre option possible, le blocage du détroit d'Ormuz - par lequel transite plus d'un cinquième du pétrole mondial - qui pourrait provoquer une augmentation brutale des prix de l'or noir.

Sur le plan légal, Téhéran ne peut pas fermer unilatéralement l'accès aux couloirs de circulation internationale qui sont situés dans les eaux territoriales du sultanat d'Oman. Mais les navires traversent les eaux iraniennes qui sont sous la responsabilité des forces navales des Gardiens de la Révolution islamique.

Téhéran pourrait, selon des spécialistes, être tenté d'utiliser des missiles, des drones, des mines et des vedettes rapides contre les États-Unis et ses alliés lors de leur passage dans la zone.

 TACTIQUES ASYMÉTRIQUES

Pour contrer la première puissance militaire mondiale, l'Iran a par le passé opté pour des tactiques asymétriques et s'est appuyé sur ses supplétifs dans la région où elle fournit depuis plusieurs années armes et expertise technique.

Au Yémen, les Houthis ont ainsi utilisé des missiles fabriqués en Iran et des drones pour bombarder des aéroports en Arabie saoudite. En Irak, ce sont des milices soutenues par l'Iran qui s'en sont pris aux bases où les forces américaines étaient déployées.

VISER AU-DELÀ DE LA RÉGION ?

L'Iran pourrait également s'en prendre à des cibles situées hors de la région. En 1994, un membre du mouvement chiite du Hezbollah libanais avait bombardé un bâtiment abritant plusieurs associations juives, faisant 85 morts. L'Argentine avait accusé l'Iran et le Hezbollah d'être derrière cette attaque, ce que les deux parties avaient démenti.

Buenos Aires avait également imputé au Hezbollah l'attaque de l'ambassade israélienne en 1992 qui avait fait 29 morts.

"Ce qui est le plus probable, ce sont des attaques par procuration menées contre les intérêts américains et de ses alliés, au niveau régional et même mondial", estime Karim Sadjadpour, de l'institut Carnegie.

QUID DE LA VOIE DIPLOMATIQUE ?

En dépit des tensions de ces derniers jours qui font craindre une escalade militaire, l'option diplomatique n'est pas à écarter définitivement.

Par le passé, les dirigeants iraniens ont en effet toujours pris soin de garder la porte de la diplomatie ouverte pour parvenir à leurs fins, notamment lorsque l'économie iranienne s'est retrouvée axphyxiée par les sanctions américaines.

"L'Iran et les Etats-Unis ont travaillé ensemble par le passé, en Afghanistan, en Irak et ailleurs", relève un haut diplomate de la région. "Ils ont des intérêts et des ennemis en commun. Une confrontation militaire serait coûteuse pour les deux parties. Alors que la diplomatie peut résoudre de nombreux problèmes et c'est une option."

La partie s'annonce toutefois difficile. L'Iran a exclu toute discussion avec Washington tant que les Etats-Unis ne reviendraient pas dans le cadre de l'accord sur le programme nucléaire iranien conclu en 2015 et tant qu'ils maintiendraient leurs sanctions.

De son côté, Washington a assuré dans les heures qui ont suivi la mort du général Soleimani que les Etats-Unis souhaitaient "la désescalade".

"Alors que beaucoup prédisent la troisième guerre mondiale, les 40 dernières années de l'histoire de l'Iran montrent que ce qui compte le plus pour la République islamique c'est sa survie", relève Karim Sadjadpour, de l'institut Carnegie. L'Iran "peut difficilement se permettre une guerre totale avec les Etats-Unis au moment où il fait face à des sanctions économiques onéreuses et à des tumultes internes, surtout sans Soleimani".