Paris (awp/afp) - Les cours des céréales continuent de refluer sur les marchés mondiaux, une "spirale baissière" entretenue par l'abondance des stocks de blé et maïs à écouler avant la nouvelle récolte.

"En dépit d'un rebond technique mardi, lié à des rachats par des fonds (d'investissement aux Etats-Unis), la spirale baissière continue", constate Sébastien Poncelet, spécialiste des céréales chez Agritel, au sein du groupe Argus Media France.

A quelques mois de la nouvelle récolte, il y a "un excédent de blé en Europe de l'Ouest et en mer Noire", deux régions qui se livrent "une concurrence acharnée pour vendre avant la nouvelle campagne", cet été, indique-t-il.

Sur le marché européen, "le maïs a atteint 171 euros la tonne lundi sur Euronext, un plus bas depuis octobre 2020", relève Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.

Quant au blé, pour l'échéance la plus rapprochée, "il est tombé lundi sous les 200 euros la tonne, au plus bas depuis juillet 2021", ajoute-t-il.

Les prix à l'exportation "sont aujourd'hui presque au même niveau au départ (du port français) de Rouen (hors frais de transport) et de la mer Noire. On est à un euro d'écart, ce qui a permis de favoriser à nouveau des chargements en France, notamment vers le Maroc, l'Algérie et la Chine", a-t-il indiqué.

Mais globalement, relèvent les analystes, les acheteurs prennent leur temps, ne passant des commandes qu'au compte-goutte, faisant jouer un maximum la concurrence entre les exportateurs.

"Les prix sont aujourd'hui largement en dessous des prix de production des agriculteurs européens, mais pas encore des agriculteurs russes", relève Sébastien Poncelet.

"Blocus" à la frontière polonaise

Cette chute quasi-continue des cours depuis juillet dernier est un rude coup pour les producteurs européens, qui avaient connu en 2022 une année faste avec un blé dépassant les 400 euros la tonne, quelques mois après l'invasion russe de l'Ukraine.

Partout en Europe, les agriculteurs dénoncent la "concurrence déloyale" aux frontières de l'Europe et notamment la suppression des droits de douane dont l'Ukraine bénéficie encore pour ses céréales.

Dans une note d'analyse, Steve Hyde, de la coopérative américaine CHS, relève que les agriculteurs polonais "ont imposé un blocus quasi-total de la frontière ukrainienne (...) convaincus que le flux de céréales d'Ukraine vers la Pologne (allait) ruiner les agriculteurs du pays".

Plus que l'afflux de marchandises via les voies fluviale et terrestre, qui sont redevenues marginales par rapport aux exportations via la mer Noire, c'est en effet la crainte du volume conséquent retrouvé par les exportations agricoles ukrainiennes, notamment de maïs et de graine de tournesol, qui inquiète.

Le ministère ukrainien de l'Agriculture a annoncé avoir exporté 3,2 millions de tonnes de grains depuis début février, soit des niveaux quasi équivalents au mois précédent (3,3 MT).

Le marché n'est guère plus actif aux Etats-Unis, qui subit la concurrence du maïs sud-américain et de la guerre du blé en Europe.

Pour la céréale du pain, relève Jack Scoville de Price Futures Group, "les ventes américaines à l'exportation restent faibles face à la concurrence de la Russie, de l'Ukraine et de l'Union européenne, ces pays cherchant à exporter beaucoup de blé dans la période à venir".

Le ministère américain de l'Agriculture (USDA) "a déclaré lors de son forum sur les perspectives (Commodity Outlook le 15 février) que la superficie plantée devrait être d'environ 47 millions d'acres, contre 49,6 millions cette année", a-t-il indiqué.

Mais, poursuit-il, cet ajustement n'est pas de nature à soutenir les prix, car les rendements ont augmenté, de sorte que la production a été réévaluée en hausse et les stocks de clôture également.

Sur la scène internationale, les importateurs comme l'Iran ou l'Indonésie reviennent aux achats de grain jaune. La société indonésienne d'approvisionnement alimentaire BULOG a ainsi annoncé qu'elle importerait 500.000 tonnes supplémentaires de maïs pour l'alimentation animale, sans que l'on connaisse la provenance choisie. "Il est probable que cela se joue entre les acteurs sud-américains", estime Damien Vercambre.

afp/rp