par Gabriela Baczynska

BRUXELLES, 13 décembre (Reuters) - La réduction des flux migratoires de l'Afrique vers l'Europe et l'accueil des réfugiés qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie s'annoncent comme des pommes de discorde au dîner qu'auront jeudi soir les chefs d'Etat et de gouvernement européens réunis en sommet à Bruxelles.

Ces deux questions et la mise en place d'une politique commune continuent de diviser profondément les Etats membres de l'Union européenne qui ne s'accordent que sur un point : l'urgence d'apporter une réponse à la crise migratoire.

Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a proposé la création d'un instrument financier qui, à partir de 2021 et sur une période de plusieurs années, doit "endiguer la migration illégale".

Cet outil pourrait se substituer aux appels à l'aide financière que les Etats de l'UE traitent comme une possible solution au problème depuis la crise de 2015.

Les organisations humanitaires dénoncent régulièrement la politique des Etats européens consistant à fournir de l'aide aux agences de l'Onu et aux gouvernements des Etats du Proche-Orient et d'Afrique.

Les ONG font valoir que cette stratégie ne fait qu'aggraver les souffrances des populations migrantes sans les dissuader de tenter l'aventure de rejoindre le continent européen.

De plus, la mise en oeuvre de cette politique se heurte à des contingences de terrain, comme en Libye où l'ordre et la sécurité ne sont plus assurés depuis la révolte qui a renversé Mouammar Kadhafi en 2011.

Reste la question de l'accueil de ceux qui réussissent à rallier l'Europe, principalement via l'Italie ou la Grèce, pour s'installer majoritairement en Allemagne.

Plusieurs pays d'Europe de l'Est comme la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque refusent l'idée de quotas proposée par la Commission européenne pour répartir les migrants entre les Etats membres de l'UE.

Ils font valoir que la présence de réfugiés, le plus souvent de confession musulmane, constitue une menace pour la souveraineté et la sécurité nationale et remet en cause l'homogénéité ethnique de leur société.

Ils plaident pour une politique d'aide financière et pour la mobilisation de personnels et d'équipements afin de contrôler les frontières extérieures de l'UE. Ils ont incité d'autres pays à leur emboîter le pas sur cette question.

"ATTENTES MODÉRÉES"

Les dirigeants de ce groupe de quatre rencontreront le président du Conseil italien, Paolo Gentiloni, avant le dîner à Vingt-Huit prévu jeudi soir.

L'Italie, l'un des principaux points d'entrée pour les migrants, mais aussi l'Allemagne et d'autres pays riches estiment que la politique des quotas repose sur le principe de la solidarité.

Ces Etats rappellent à leurs partenaires d'Europe de l'Est que ces derniers continuent de bénéficier de ce principe afin de favoriser leur intégration au sein du bloc communautaire et que la solidarité ne peut pas être à sens unique.

Polonais, Hongrois, Tchèques et Slovaques entendent proposer à Paolo Gentiloni 35 millions d'euros pour que l'Italie mette en oeuvre en Libye des programmes visant à dissuader les migrants de tenter la traversée de la Méditerranée.

Malgré les efforts diplomatiques pour ménager les susceptibilités et les tentatives de conciliation menées depuis deux ans, la question migratoire s'est transformée en "une guerre de tranchées", explique un diplomate européen.

A la veille du Conseil européen, Donald Tusk a vivement dénoncé le caractère "clivant" et "inefficace" de la politique des quotas.

Cette déclaration a provoqué une querelle publique, le Commissaire européen pour les migrations, Dimitris Avramopoulos, jugeant les propos de Tusk "inacceptables" et "anti-européens".

Le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a "fermement exprimé son désaccord avec les déclarations selon lesquelles les 'relocalisations' d'urgence ont été inefficaces".

Face à ce blocage et ces divergences étalées au grand jour, un autre diplomate européen dit avoir des "attentes modérées" sur le résultat des discussions qu'auront les dirigeants européens jeudi soir. (Pierre Sérisier pour le service français, édité par Gilles Trequesser)