En Europe, les disparités en matière de représentation des salariés dans les conseils d’administration sont nombreuses entre les Etats, car le droit européen ne reconnaît pas cette représentation comme un droit social fondamental. Nous vous proposons un tour d’horizon du vieux continent, en nous concentrant uniquement sur le nombre de représentants des salariés aux conseils, et en occultant totalement la question de la désignation ou élection de ces derniers. 

Le cadre juridique 

Nous pouvons diviser les pays européens en 3 groupes :

  • ceux qui n’ont pas établi de cadre juridique pour la représentation des salariés aux conseils d'administration et de surveillance. 12 pays sont concernés : la Belgique, la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, Malte, la Roumanie et le Royaume Uni. Dans ces pays, la représentation résulte d’accords volontaires ou de choix spécifiques à l’entreprise. 
  • ceux qui limitent la représentation salariale aux entreprises publiques (appartenant partiellement ou entièrement, ou ayant appartenu à l’État). C’est le cas de 5 pays :  l’Espagne, la Grèce, l'Irlande, la Pologne et le Portugal
  • ceux qui ont établi un cadre juridique applicable aux sociétés privées ainsi qu’aux entreprises publiques. Ils sont au nombre de 14 : Allemagne, Autriche, Croatie, Danemark, France, Hongrie, Luxembourg, Finlande, Norvège, Pays-Bas, République tchèque, Suède, Slovaquie, Slovénie. 

Dans ce dernier groupe, le droit varie en fonction de la structure de responsabilité (société publique à responsabilité limitée, société à responsabilité limitée), du type d’industrie (les industries des métaux et parfois du charbon disposent de modalités particulières en Allemagne, en Espagne et au Luxembourg par exemple), du nombre de salariés, du chiffre d’affaires, de la valeur de l’actif (en Slovénie) ou des fonds propres (aux Pays-Bas). 

La représentation en elle-même diffère dans chaque état, en fonction du statut du représentant (salariés ou syndicalistes), du processus d’élection des représentants, ou même des thématiques sur lesquelles ces derniers ont la possibilité de s’exprimer. 

Les personnes éligibles 

Dans la plupart des pays européens, le représentant doit être un salarié de l'entreprise. Parfois, comme en Autriche, il doit également être membre du comité d'entreprise. Quelques pays autorisent la nomination d'un représentant extérieur à l'entreprise, élu, comme en Allemagne par exemple. Aux Pays-Bas, exception européenne, les représentants ne doivent avoir aucun lien avec les travailleurs de l'entreprise.

Le nombre ou la part de représentants  

Ici encore, les divergences font loi. Il y a les bons élèves, avec nos voisins d’outre-Rhin en tête. En effet, en Allemagne, les relations sociales sont régies par un texte prônant la cogestion : dans les entités de plus de 2000 salariés, il doit y avoir parité entre les actionnaires et les représentants du personnel (issus des salariés ou du syndicat de branche) au sein du conseil de surveillance. Pour les entreprises comptant entre 500 et 2 000 salariés, un tiers des sièges doit être occupé par des salariés. La Suède, la Slovaquie et la Slovénie ont par ailleurs la possibilité d’instaurer la parité dans les conseils, par le biais d’une convention collective. 

En Autriche, en République tchèque, en Irlande, au Luxembourg (entreprises privées) et aux Pays-Bas, les salariés doivent représenter un tiers des membres du conseil. Dans 5 pays, le niveau de représentation varie avec un minimum et/ou un maximum fixés par la loi : c’est le cas en Pologne (limité à ⅖ ou 25% des sièges), du Danemark (de 2 à ⅓ des sièges, dès 35 salariés), de la Hongrie (par défaut ⅓ des sièges), de la Norvège (au minimum 1 membre et jusqu'à 1/3 du conseil) de la Slovaquie et la Slovénie (d’un tiers à la moitié des sièges). En Finlande, dès 150 salariés, le personnel peut compter sur un à quatre représentants, avec un minimum d’un cinquième des sièges. 

La France se place du côté des bons derniers. Depuis la loi Pacte de 2020, dès lors qu’un conseil d’administration compte 8 membres non-salariés, 2 représentants des salariés doivent siéger,1 seul quand le conseil compte moins de 8 membres. Les entreprises qui disposent d’un statut de holding dérogent à cette règle.

Un mot de la Suisse qui ne fait pas partie de ce panel : chez nos voisins helvétiques, les employés ne sont en principe pas représentés au plus haut niveau. Mais il existe des exceptions. Swisscom, par exemple, compte deux représentants du personnel au conseil. 

Si l’Europe s’exprime en faveur d’un alignement des législations nationales concernant la représentation des salariés au sein des conseils, la coopération entre salariés et direction est aussi source de nombreuses controverses. Parmi elles : 40 à 60% des représentants du personnel allemands ressentent que leur rôle représentatif est entravé par le management, selon une étude nationale.