par Johanna Decorse

Plusieurs milliers de salariés d'Airbus ont manifesté mercredi à l'appel de trois organisations syndicales pour protester contre les suppressions de postes prévues dans le cadre du plan social annoncé la semaine dernière par l'avionneur européen.

Airbus a annoncé le 30 juin son intention de supprimer 15.000 postes d'ici l'été 2021, dont un tiers en France, dans le cadre d'un plan de restructuration mis en place pour faire face à la crise du transport aérien provoquée par la pandémie de coronavirus.

Le site historique de Toulouse sera particulièrement touché avec 3.378 emplois perdus.

Treize ans après le plan Power 8 qui portait sur 10.000 suppressions de postes chez Airbus et ses sous-traitants, dont 4.300 en France et 1.100 au siège de Toulouse, il s'agit du plan social le plus lourd de l'histoire de l'avionneur.

Il s'accompagne de réductions d'effectifs chez ses filiales Stelia (36 postes concernés à Toulouse) et ATR (186 postes supprimés).

Dès l'annonce de ce "plan d'adaptation Covid-19", les organisations syndicales ont posé leur "ligne rouge", à savoir le refus de tout licenciement contraint.

C'est sous ce mot d'ordre que Force ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC, les trois syndicats représentatifs chez Airbus Opérations Toulouse où 2.398 suppressions de postes sont annoncées, avaient appelé à un débrayage d'une heure et demie ce mercredi.

Les trois syndicats ont estimé entre 7.000 et 9.000 le nombre de manifestants.

"ON COMMENCE À PEINE DANS LA VIE ACTIVE ET ON PENSAIT

AVOIR UN JOB JUSQU'À LA FIN DE NOTRE CARRIÈRE"

Derrière la banderole "Non aux licenciements", plusieurs milliers de salariés rassemblés devant la direction des usines toulousaines d'Airbus ont manifesté entre 11h00 et midi sur le bord des pistes de l'aéroport jusqu'au siège de l'avionneur, à Blagnac, où une délégation syndicale a été reçue par la direction du groupe.

Une démonstration de force à laquelle participait Erwan, 19 ans, formé au lycée Airbus et embauché en CDI en décembre dernier sur la chaîne d'assemblage A320. "On ne sait pas qui va partir et si les licenciements vont concerner les plus jeunes embauchés. Nous sommes tous inquiets", dit-il.

A ses côtés dans le cortège, Corentin, 20 ans, recruté en septembre dans l'unité électrique d'Airbus, participe lui aussi à sa première manifestation.

"On commence à peine dans la vie active et on pensait avoir un job jusqu'à la fin de notre carrière. On ne pouvait pas imaginer ça. Certains ont acheté un appartement, moi je fais construire une maison. On a forcément peur pour le futur", explique-t-il.

Pour Olivier Le Penven, mécanicien sur la chaîne A330 et militant CGT, "il n'est pas question que les salariés soient les victimes de la crise".

"La filière aéronautique a dégagé des milliards de bénéfices pendant des années, il est hors de questions que les salariés soient sacrifiés. Il y a une vraie baisse du trafic aérien mais pour la direction c'est une belle opportunité pour essayer d'obtenir les baisses de productivité qu'elle essaie de nous imposer depuis des années", estime-t-il.

"AIRBUS A UNE VRAIE RESPONSABILITÉ"

"Quand le groupe fait face à des annonces aussi brutales, aussi impactantes pour le corps social, les salariés savent se mobiliser. Le but de cette manifestation est d'envoyer des messages, ce n'est pas encore de la colère", a déclaré à Reuters Françoise Vallin, coordinatrice CFE-CGC chez Airbus.

"Cette journée est historique car nous nous trouvons devant un vrai risque de plan social, pas seulement chez Airbus mais dans toute la filière aéronautique. Airbus a une vraie responsabilité à maîtriser son plan social qui est excessif et qui donne un exemple terrible à tous les sous-traitants", a dit à Reuters Jean-François Knepper, délégué syndical central Force ouvrière.

"Nous demandons deux ans à partir du démarrage du plan afin de pouvoir mettre en place les mesures de départs volontaires et éviter ainsi des licenciements secs", ajoute-t-il.

Alors qu'un accord de méthode fixant le calendrier des négociations devrait être signé dans la journée entre la direction et les syndicats, ces derniers demandent d'ores et déjà un rallongement de la durée d'exécution du plan.

Thierry Baril, directeur des ressources humaines d'Airbus, a estimé la semaine dernière que 1.500 à 2.000 postes pourraient être épargnés par la loi instituant le dispositif APLD de chômage partiel et par les fonds publics pour la recherche et le développement.

Quant à l'éventualité de licenciements secs, il a dit partager la volonté des syndicats de ne pas y avoir recours tout en soulignant qu'il ne serait "pas responsable" de les exclure.

Jeudi, c'est la CGT, première organisation syndicale représentative de la filière aéronautique en Occitanie, qui a appelé à une journée de mobilisation dans toute la région pour la défense de l'emploi. Une manifestation est prévue à midi au départ du siège social d'Airbus à Blagnac, dans l'agglomération toulousaine, en direction de l'aéroport.

(Édité par Henri-Pierre André)