par Naomi Rovnick, Alun John et Marc Jones

3 janvier (Reuters) - La fin de la toute puissance du dollar, le rebond des obligations et la remontée des marchés émergents sont quelques-uns des thèmes sur lesquels les gérants de fonds misent pour 2023.

L'inflation galopante et le choc économique provoqué par la remontée rapide des taux d'intérêt au cours des 12 derniers mois mettent l'accent sur l'ampleur de l'effondrement des économies et sur la direction que prendront les politiques monétaires des banques centrales, celle des Etats-Unis en tête.

1/ LA FIN DU DOLLAR ROI

L'indice du dollar, qui mesure les fluctuations du billet vert face à un panier de six devises de référence, a pris plus de 15% de janvier à novembre 2022, la Réserve fédérale (Fed) américaine ayant relevé ses taux de 375 points de base sur la période.

L'accalmie relative sur les prix a déjà permis à l'institution de tempérer l'ampleur de sa hausse de taux lors de sa dernière réunion, une tendance qui devrait se confirmer cette année.

Joe Little, responsable de stratégie chez HSBC Asset Management, estime que l'indice dollar devrait baisser de plus de 10% en 2023 "en raison du pic de l'inflation et de l'inflexion attendue de la Fed".

Le yen pourrait en bénéficier, d'autant plus après la surprenante décision de la Banque du Japon d'assouplir le contrôle de la courbe des taux, son principal instrument, utilisé pour maintenir ses taux d'intérêt proches de zéro.

"Si je devais choisir une devise par rapport au dollar, ce serait le yen", a déclaré Chris Jeffrey, chez Legal & General Investment Management.

2/ ACHETER CHINOIS

D'après les investisseurs, les actions chinoises devraient revenir sur le devant de la scène grâce à l'assouplissement des restrictions anti-COVID-19, au recentrage de Pékin sur la croissance du pays et au redressement du marché immobilier sinistré.

Les incertitudes restent vives avec la résurgence de l'épidémie mais l'enthousiasme est indéniable sur la réouverture du pays et ses effets sur l'ensemble des marchés de capitaux asiatiques.

L'indice MSCI des Bourses chinoises a gagné près de 40% de novembre à la mi-décembre et son ascension n'est sans doute pas terminée.

BNP Paribas estime que les actions liées aux voyages, à la consommation domestique et aux technologies peuvent encore progresser. La banque française a surpondéré la Chine dans son portefeuille modèle pour 2023, qui comprend entre autres Tencent et Trip.com.

3/ MARCHÉS RÉÉMERGENTS

Les acheteurs devraient faire leur retour sur les marchés émergents, qui ont subi l'an dernier des pertes parmi les plus importantes jamais enregistrées.

À condition que les taux d'intérêt mondiaux se stabilisent, que la Chine se rouvre sur le monde et qu'une guerre nucléaire soit évitée, UBS anticipe une augmentation de l'indice des marchés émergents.

Jeffrey Gundlach, le directeur général de la société de gestion DoubleLine Capital, surnommé le "Bond King", le roi de l'obligataire, a fait des actions des pays émergents son premier choix et Morgan Stanley prévoit un rendement de près de 17% pour la dette des pays émergents en monnaie locale.

Cet élan d'optimisme n'est pas surprenant au regard des rebonds observés après de précédents trous d'air. L'indice MSCI des pays émergents a grimpé de 64% en 1999 après la crise financière asiatique un an auparavant et de 75% en 2009. La dette émergente en monnaie forte a également connu un rebond considérable de 30% après avoir chuté de 12% pendant la crise de 2008.

4/ HELLO, MR BOND

Après avoir traversé en 2022 sa pire année, le marché obligataire pourrait retrouver des couleurs.

La hausse des prix et l'offensive musclée des banques centrales devraient en effet se tasser cette année.

Les économistes interrogés par Reuters s'attendent à ce que l'inflation américaine décélère à 3,1% d'ici la fin de 2023. Valentine Ainouz, stratège chez Amundi, prévoit que le rendement des bons du Trésor à dix ans finira à 3,5% en fin d'année, contre environ 3,88% actuellement.

Joost van Leenders chez Van Lanschot Kempen a acheté des bons du Trésor en août dernier en pensant que "l'inflation diminuerait avec le ralentissement de la croissance économique".

5/ ACTIONS: VENDRE MAINTENANT, ACHETER PLUS TARD

Les investisseurs en actions espèrent qu'une année en forme de V pour l'économie mondiale permettra aux Bourses de terminer l'année en meilleure forme.

Les stratèges de JPMorgan s'attendent à "des soubresauts sur les marchés et à un déclin économique" pour commencer, puis à un meilleur second semestre lorsque la Fed se décidera enfin à faire "pivoter" sa politique monétaire.

Hani Redha, gestionnaire de portefeuille chez PineBridge Investments, prévoit encore un recul des actions américaines, avec un creux sur les six premiers mois de l'année. Trevor Greetham chez de Royal London Asset Management pense, lui, que le passage à vide dura plus longtemps.

"Je ne serais pas surpris que le moment d'acheter des actions se situe dans un an ou un peu plus", a-t-il déclaré.

(Reportage Naomi Rovnick, Alun John et Marc Jones, graphes par Vincent Flasseur, version française Laetitia Volga, édité par Kate Entringer)