Moins de six mois après sa prise de fonctions, Donald Trump a réalisé l’une de ses promesses phares de campagne. Le Congrès a adopté hier son plan de baisses d’impôts. Le président Trump va ainsi pouvoir signer aujourd’hui, jour de la fête nationale, le fameux "One Big Beautiful Bill" (la grande et belle loi), conformément au calendrier qu’il avait lui-même fixé.

Ce texte prévoit l’extension des baisses d’impôts de 2017, ainsi que des moyens supplémentaires pour la sécurité aux frontières et le Pentagone. D’autres allégements fiscaux sont aussi prévus. Les entreprises pourront notamment déduire intégralement les achats d’équipements et les dépenses de R&D. Pour les ménages, les heures supplémentaires et les pourboires ne seront plus taxés.

Dérouler son agenda

C’est une victoire majeure pour Donald Trump, qui montre aussi qu’il tient fermement sa majorité. En effet, de nombreux élus ont marqué leur opposition au texte lors des débats au Congrès. Certains sont opposés à l’augmentation du déficit et plaidaient pour davantage de baisses de dépenses. D’autres, en revanche, s’inquiètent des réductions de dépenses pour Medicaid, ainsi que de la fin des crédits d’impôts pour les énergies renouvelables, qui ont majoritairement profité aux Etats Républicains.

Mais, malgré ces réticences sur le fond, seuls trois élus Républicains ont voté contre au Sénat, et deux à la Chambre des Représentants.

Donald Trump n’a pas hésité à menacer ceux qui s’opposent à lui de soutenir d’autres candidats aux prochaines élections. Tom Tillis, sénateur républicain de Caroline du Nord, a ainsi annoncé qu’il ne se représenterait pas en 2026, après avoir déclaré qu’il ne soutiendrait pas le texte.

En à peine six mois, le président américain a considérablement fait avancer son agenda. Aux Etats-Unis, avec la réforme fiscale, le durcissement de la politique migratoire, et certaines décisions de la Cour suprême (notamment la restriction de la capacité des juges fédéraux à bloquer les décisions de son administration).

A l’international, avec l’accord à l’OTAN dans lequel les Alliés s’engagent à augmenter leurs dépenses de défense - une demande de longue date des Etats-Unis – et les négociations commerciales. Si peu d’accords ont été signés, Donald Trump semble désormais en position de force et de nombreux pays sont prêts à des concessions qui paraissaient inacceptables il y a seulement quelques mois.

Coupes dans les dépenses

Si le vote de cette loi est aujourd’hui présentée comme une victoire, elle pourrait aussi coûter politiquement aux Républicains, à moins d’un an et demi des élections de mi-mandat.

En face des baisses d’impôts, la loi fiscale prévoit aussi des baisses de dépenses, notamment dans Medicaid – le programme d’assurance santé destinée aux Américains les plus modestes.

Si Donald Trump a martelé que ces coupes ne visent qu’à lutter contre "la fraude, le gaspillage et les abus", 12 millions d’Américains devraient perdre leur couverture santé, selon les estimations du CBO.

En effet, les contrôles d’éligibilité seront renforcés, une obligation de travail entrera en vigueur en 2027, l’accès sera restreint pour certains immigrés, et certains bénéficiaires verront une augmentation de leur reste à charge.

Des mesures qui toucheront les classes moyennes et populaires, socle électoral de Donald Trump. Dans l'ensemble, les différentes estimations montrent que la loi fiscale bénéficiera essentiellement aux plus hauts revenus.

De quoi offrir un boulevard aux Démocrates pour dénoncer des cadeaux fiscaux aux plus riches, financés sur le dos des plus modestes. Une stratégie déjà utilisée en 2018, lors des élections de mi-mandat. Les démocrates dénonçaient alors le plan de baisses d’impôts voté en 2017. Si ce n’était pas leur seul argument, les Républicains avaient in fine perdu le contrôle de la Chambre des Représentants.

C’est pour cette raison que des voix s’étaient élevées pour introduire des mesures visant à "couper l’herbe sous le pied" des Démocrates. C’était notamment le cas de Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump, et figure toujours influente de la sphère MAGA. Ainsi, le relèvement du taux marginal d’imposition a un temps été évoqué, lors de la première lecture à la Chambre, avant d’être écarté. Donald Trump, lui-même, ne s’était pas opposé à la mesure.

La question du timing

Selon un récent sondage du Pew Research Center, 49 % des Américains s'opposent à la loi fiscale, alors que seulement 29 % la soutiennent. Pew indique que les inquiétudes se concentrent sur l’aggravation du déficit budgétaire et le préjudice pour les ménages modestes.

Si les Républicains contrôlent actuellement les deux chambres, leur majorité est courte (220 sièges contre 212 à la Chambre, et 53 sièges contre 47 au Sénat).

Les élus du GOP (Grand Old Party) espèrent que les baisses d’impôts seront plus visibles que les réductions de dépenses pour les Américains. "La politique, c'est simplifier les choses. Les coupes dans Medicaid sont assez complexes, alors qu'étendre le régime fiscal actuel est facile à comprendre pour le public", analyse Paul Sracic, chercheur associé à l'Hudson Institute, proche des conservateurs.

Surtout, les coupes dans Medicaid ne rentreront pas immédiatement en vigueur. "Rien de ce qui concerne Medicaid n'aura d'impact sur quiconque avant deux ans", affirme le représentant républicain du Nebraska, Mike Flood.

En effet, l’obligation de travailler au moins 80 heures par mois pour bénéficier de Medicaid n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2027. Les élections de mi-mandat, quant à elles, se tiendront en novembre 2026.