* Le 4 décembre est "l'échéance absolue", prévient Bruxelles

* La crise politique à Dublin complique le volet "frontière irlandaise" de la négociation (Actualisé avec responsable européen et crise politique en Irlande)

par Jan Strupczewski et Elizabeth Piper

BRUXELLES, 24 novembre (Reuters) - Le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui recevait Theresa May vendredi à Bruxelles, l'a prévenue qu'elle n'avait plus que dix jours pour apporter des propositions claires sur les trois sujets de contentieux liés au divorce entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

"Il nous faut observer des progrès de la part du Royaume-Uni sous dix jours sur toutes les questions, y compris l'Irlande", a-t-il commenté sur Twitter. C'est possible, a-t-il ajouté, mais c'est un "immense défi".

Au terme de cette période, le 4 décembre, Theresa May sera de retour à Bruxelles pour y rencontrer cette fois le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le négociateur en chef des Européens, Michel Barnier.

Selon un responsable de l'UE, la dirigeante britannique a convenu au cours son entretien d'une heure avec Tusk que cette date du 4 décembre était l'"échéance absolue" pour permettre à Barnier de recommander aux dirigeants des Vingt-Sept de passer à la phase 2 des négociations.

Sans "progrès suffisant" sur les trois questions clefs des modalités du Brexit (le chèque que Londres devra signer pour solder le divorce; les droits des expatriés; l'avenir de la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord), les Vingt-Sept ont fait savoir qu'ils n'engageraient pas cette seconde phase qui portera sur leurs relations futures, et notamment commerciales, avec la Grande-Bretagne.

Londres réclame depuis des mois l'ouverture de cette seconde phase afin d'atténuer les incertitudes et de redonner de la visibilité, notamment aux entreprises britanniques, sur ce que seront les rapports avec les Européens après le Brexit, fixé au 29 mars 2019 à 23h00 GMT.

"Tusk a présenté le calendrier d'ici au conseil européen de décembre, avec le 4 décembre comme échéance absolue pour que le Royaume-Uni fasse des efforts supplémentaires", a souligné ce responsable européen. "May a accepté ce calendrier", a-t-il ajouté.

Pour les Européens, une initiative britannique est indispensable afin que les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Sept puissent éventuellement décider l'ouverture de la seconde phase des discussions lors du Conseil européen des 14 et 15 décembre.

FRONTIÈRE IRLANDAISE

A l'issue de sa rencontre avec Donald Tusk, Theresa May a déclaré pour sa part qu'"il rest(ait) encore des points dans les différents sujets que nous sommes en train de négocier pour les résoudre".

Elle a également redit que Londres honorerait ses engagements financiers envers l'UE mais n'a pas fourni de détails, même si elle a affirmé que ce dossier progressait.

D'après les dernières fuites dans les médias britanniques, Londres proposerait à présent une somme de 45 milliards d'euros. C'est le double des estimations précédentes mais encore bien loin des 60 milliards d'euros mentionnés par la Commission européenne - même si des responsables européens soulignent que ce montant s'apparente à une demande maximale, et donc négociable.

Sur la question de la frontière irlandaise, autre sujet chaud de la négociation, ce responsable européen a souligné que "le Royaume-Uni devra donner avant le 4 décembre des assurances crédibles sur les moyens d'éviter une 'frontière dure', car ce qui peut être fait en la matière est encore nébuleux".

La crise politique qui a éclaté en Irlande, où le gouvernement est sur le point d'être renversé, n'est pas de nature à faciliter un accord.

L'objectif en ce domaine est d'éviter le rétablissement d'une frontière physique entre l'Irlande et l'Irlande du Nord, qui sera la seule frontière terrestre du Royaume-Uni avec l'UE après le Brexit.

Dublin, appuyé par ses partenaires européens, exige que le gouvernement britannique détaille la manière dont il entend procéder pour empêcher la réinstallation de cette "frontière dure" susceptible de mettre en péril l'accord de paix de 1998.

Les responsables européens soulignent que seul le maintien de normes commerciales et sanitaires identiques entre l'Irlande et l'Irlande du Nord permettra d'éviter la mise en place d'une frontière physique.

Deux solutions sont envisagées: que l'Irlande du Nord demeure au sein d'une union douanière avec l'UE, ou que tout le Royaume-Uni reste.

Mais Londres et le DUP, parti unioniste nord-irlandais avec lequel May a été contrainte de conclure un accord de coalition après perdu la majorité absolue lors des élections législatives de juin dernier, s'opposent à la première option, insistant pour qu'il n'existe plus aucune barrière entre l'Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.

Quant à la seconde, que l'ensemble du Royaume-Uni conserve les dispositions réglementaires de l'UE, elle est rejetée par les partisans du Brexit.

(avec Alastair Macdonald et Francesco Guarascio; Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français, édité par Tangi Salaün)