(Répétition technique)

* Soutien aux systèmes éducatifs en Afrique

* Souhaite réinvestir les espaces internationaux

* Donne des gages face aux soupçons de colonialisme

PARIS, 20 mars (Reuters) - Emmanuel Macron a dévoilé mardi son plan de bataille en matière de défense de la langue française, prônant une francophonie "plurielle" et ouverte sur le monde et se défendant de toute tentation hégémonique face aux soupçons de néo-colonialisme.

Le chef de l'Etat, qui avait choisi le lieu symbolique de l'Académie française à Paris pour lancer cette offensive linguistique, a égréné, devant les "immortels" et 300 jeunes lycéens et étudiants, une trentaine de mesures visant à redonner toute "son ambition" au français.

"La langue française", a-t-il souligné, "est souvent bousculée par d'autres langues qui visent à l'hégémonie, elle a d'ailleurs reculé ces dernières décennies parce que nous l'avons parfois abandonnée" notamment au Moyen-Orient ou en Asie.

"Aujourd'hui, il nous faut réussir à apprendre, échanger et créer en français", a-t-il estimé, insistant sur l'importance de renforcer les systèmes d'enseignement et d'apprentissage du français existants, en Afrique - où se trouve l'écrasante majorité des 275 millions de francophones - comme en France.

Des crédits supplémentaires vont être débloqués dans la lignée de l'engagement pris en février à Dakar par Emmanuel Macron, qui a annoncé une contribution de 200 millions d'euros au Partenariat mondial pour l'éducation (PME).

Selon l'Elysée, l'agence française du développement (AFD) va doubler ses moyens consacrés aux systèmes éducatifs d'Afrique francophone pour atteindre 350 millions d'euros par an et mobilisera dès cette année 175 millions d'euros supplémentaires.

"USAGE UTILE DE LA LANGUE"

"Colonne vertébrale" de l'enseignement du français, les lycées français à l'étranger qui accueillent actuellement 350.000 jeunes dans 500 établissements, auront vocation à en accueillir le double afin de répondre à une demande croissante.

Les conditions d'accueil des étudiants étrangers devront elles être améliorées à l'heure où la France s'apprête à doubler le nombre d'étudiants venant des pays émergents accueillis dans l'Hexagone. Un plan en ce sens sera présenté début 2019.

Pour les réfugiés accueillis en France, le volume des cours de français passera de 250 heures à 400 voire 600 heures pour ceux ne maîtrisant ni la lecture ni l'écriture.

Passée l'étape de l'apprentissage, le second défi "est de faire du français une langue majeure d'échange, de communication" et "de créer un usage utile de la langue".

Pour y parvenir, le chef de l'Etat souhaite notamment encourager l'apprentissage d'au moins deux langues étrangères, une mise en ligne accélérée des ressources des universités francophones et un renforcement des médias francophones.

La "domination" de l'anglais "n'est pas une fatalité", a estimé Emmanuel Macron, appelant à "réinvestir certains lieux".

A l'heure actuelle, selon l'OIF, le français est la cinquième langue la plus parlée dans le monde (après le mandarin, l'anglais, l'espagnol, l'arabe et l'hindi), la troisième langue des affaires et la quatrième d'internet.

Sous l'effet des dynamiques démographiques, le nombre de francophones pourrait en effet bondir et atteindre 700 millions d'ici le milieu du siècle - dont 85% se trouveront en Afrique.

"PAS DE FAUX NEZ"

L'offensive en faveur de la langue française d'Emmanuel Macron a fait ces derniers mois grincer des dents. L'écrivain franco-congolais Alain Mabankou et le théoricien camerounais du post-colonialisme Achille Mbembe, ont notamment pointé des relents de colonialisme.

Dans ses propos liminaires à l'Académie, l'écrivain Amin Maalouf a souligné que l'humanité n'avait pas besoin d'une "langue unique" et appelé à respecter la mémoire de toutes les langues, chacune porteuse de "la dignité d'un peuple".

"Il est de la responsabilité de la France de faire vivre nos francophonies non pas comme un faux-nez de notre empire colonial comme certains le prétendent mais parce que nous croyons dans le destin de notre langue", a répondu Emmanuel Macron.

"La France est consciente de ne pas porter seule le destin du français" et doit "s'enorgueillir d'être un pays parmi d'autres qui écrit parle en français, c'est ce décentrement qu'il nous faut penser", a-t-il ajouté.

Signe de cette nouvelle ère, le chef de l'Etat a annoncé un soutien aux industries culturelles et créatives francophones afin de "décloisonner les espaces culturels français, africains, maghrébins" et de faciliter leur circulation.

Le château de Villers-Cotterets (Aisne), actuellement en état d'abandon, abritera d'ici la fin du quinquennat un "laboratoire de la francophonie", "lieu d'expositions, de rencontres de recherches et de résidence" pour toutes les cultures francophones. (Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)