par Paul Lorgerie et David Lewis

BAMAKO, 25 mai (Reuters) - Des membres de l'armée malienne ont arrêté lundi le président, le Premier ministre et le ministre de la Défense du gouvernement intérimaire après un remaniement, accentuant le chaos politique dans le pays après le putsch militaire de l'an dernier, a appris Reuters de sources diplomatiques et gouvernementales.

Le président Bah Ndaw, le Premier ministre Moctar Ouane et le ministre de la Défense Souleymane Doucouré ont tous les trois été emmenés sur une base militaire à Kati, en dehors de la capitale Bamako, quelques heures après que deux membres de l'armée ont perdu leur place au sein du gouvernement lors du remaniement, ont dit les sources.

Ces arrestations surviennent après le putsch militaire d'août dernier lors duquel le président Ibrahim Boubacar Keita a été chassé du pouvoir et pourraient exacerber les tensions dans le pays d'Afrique de l'Ouest, où des groupes liés à Al Qaïda et à l'Etat islamique (EI) contrôlent de larges portions du nord désertique.

L'instabilité politique et les combats armés ont compliqué les efforts de puissances occidentales et de pays voisins en vue d'une sortie de crise, contribuant à alimenter l'insécurité dans la région.

La mission des Nations unies au Mali (Minusma) a appelé à la libération "immédiate et inconditionnelle" du groupe et ajouté que les responsables de ces arrestations devront répondre de leurs actes.

Dans un communiqué conjoint, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), l'Onu, l'Union africaine, l'Union européenne et plusieurs pays européens ont annoncé qu'une délégation de la Cédéao se rendrait mardi à Bamako pour tenter de trouver une issue à cette "tentative de coup d'Etat".

"La communauté internationale rejette par avance tout acte imposé par coercition, dont des démissions forcées", ont-ils dit.

Bah Ndaw et Moctar Ouane ont été chargés de superviser une transition de 18 mois vers un retour à un pouvoir civil, mais ils ont semble-t-il rejeté le contrôle de l'armée sur un certain nombre de portefeuilles clé.

"Le limogeage de piliers du putsch est une erreur de jugement majeure", a dit à Reuters un ancien représentant du gouvernement malien. "Ces actions sont sûrement destinées à leur permettre de retrouver leurs postes", a-t-il ajouté.

On ne connaît pas dans l'immédiat l'objectif précis de l'armée. Un membre de l'armée à Kati a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'une arrestation. "Ce qu'ils ont fait n'est pas bien", a déclaré cette source en référence au remaniement. "Nous leur faisons savoir que des décisions vont être prises".

C'est à Kati, en août dernier, que l'armée avait emmené le président Ibrahim Boubacar Keita pour le contraindre à démissionner. Une mutinerie dans cette base militaire avait contribué à pousser son prédécesseur Amadou Toumani Touré vers la sortie en 2012. (David Lewis et Paul Lorgerie; version française Gwénaëlle Barzic et Jean Terzian)