NFT, pour Non Fungible Token (ou jeton non fongible dans la langue de Molière), l’acronyme, tout comme le concept qui se cache derrière, commencent probablement à vous être familiers, tant les NFT jouissent d’une exposition médiatique effrénée. Il faut dire qu’avec un marché estimé à 41 milliards de dollars en 2021 par Chainalysis, il est difficile d’y échapper ! Petit rappel, volontairement simpliste, pour ceux qui n’auraient pas suivi : à l’inverse des crypto-actifs classiques (comme le Bitcoin) qui sont interchangeables, les NFT sont des biens (virtuels) uniques. Un terrain d’exploration parfait pour les artistes, qu’ils soient illustrateurs, musiciens ou même sculpteurs !

Tout peut ainsi être vendu sous forme de jeton, que ce soit sur des plateformes spécialisées en ligne (OpenSea, Rarible ou Foundation, pour ne citer qu’elles) ou, comme l’art traditionnel, directement en galerie. Mais ce sont surtout les ventes aux enchères de NFT qui ont fait leur réputation : nous l’évoquions en introduction de cet article, il y a tout juste un an l’œuvre de Beeple intitulée « Everydays : the First 5 000 Days » a été adjugée 69,3 millions de dollars (soit près de 58 millions d’euros) au cours d’une vente organisée par Christie’s, plaçant aussitôt son auteur parmi les trois artistes les plus chers de leur vivant ! Mais le saviez-vous : une telle vente n’aurait pas pu avoir lieu en France, le Code de commerce réservant les ventes aux enchères publiques aux seuls biens meubles corporels.

Hasard des évènements, cette spécificité française a été corrigée par une loi du 28 février 2022 à la faveur d’une proposition de loi datant de 2019 et ne visant absolument pas les NFT mais la modernisation du marché de l’art de manière générale. La sénatrice Jacky Deromedi, à l’origine de l’amendement étendant le régime des ventes aux enchères aux biens incorporels, visait en effet à permettre ainsi la vente à l’encan des fonds de commerce ou des clientèles civiles, dans le but de stimuler l’activité des maisons de vente française en leur ouvrant une nouvelle activité. Mais cette extension législative profite, à quelques exceptions près, à tous les biens incorporels, y compris les fameux NFT.

On peut donc enfin, depuis le 1er mars 2022, acheter des NFT aux enchères en France. La première vente aux enchères française n’a pas tardé à se tenir et c’est la maison FauveParis, qui a lancé le mouvement en mettant aux enchères, le 10 mars dernier, 47 œuvres, dont une du fameux Beeple. Pour être parfaitement honnêtes, nous devons relever que les maisons de vente françaises avaient en réalité trouvé des moyens de réaliser des ventes aux enchères de NFT avant l’entrée en vigueur de cette loi, notamment en réalisant des ventes hybrides : en plus de vendre le NFT lui-même, la maison de vente transmettait le support physique sur lequel le certificat était enregistré. Un bel exemple de contournement de la loi, ou comment respecter la lettre de la loi, mais pas son esprit !

Nuançons toutefois cette modernisation qui ne s’accompagne, contrairement aux préconisations formulées en janvier par le Conseil des ventes volontaires (qui est l’autorité de régulation des ventes aux enchères), ni d’une clarification du régime juridique et fiscal des NFT (il existe notamment des problématiques sérieuses liées au droit d’auteur et au droit de suite, qui restent à ce jour non résolues), ni de la mise en place de solutions permettant le paiement des NFT en crypto-monnaies ou l’intégration des conditions générales des mandats de vente dans les smart contracts.

Y aurait-il donc encore du chemin à parcourir pour permettre à la France de ne pas rater le train de la finance numérique ? A n'en pas douter. On peut surtout se demander s’il n’est pas déjà trop tard : parmi les 47 NFT proposés à la vente le 10 mars par FauveParis, 20 n’ont pas encore trouvé preneur. La preuve du désintérêt du public pour les NFT comme le soulignait notre expert maison il y a quelques jours ? A vous de juger !