Si Gorgia Meloni se réjouit d’être, aux côtés de Viktor Orban, l’une des rares dirigeantes européennes à bénéficier des bonnes grâces de Trump, sa mission n’en reste pas moins délicate. Sous pression pour défendre à la fois les intérêts italiens et ceux de l’Union européenne, elle a tenté de s’imposer comme médiatrice, posant les bases d’un dialogue entre Bruxelles et Washington. Son plaidoyer en faveur de l’apaisement et contre les mesures de rétorsion face aux tensions commerciales a été bien reçu, même si la concrétisation n'est pas pour tout de suite.
Mission délicate
Ursula von der Leyen, en froid avec l’administration américaine, a préféré faire preuve de pragmatisme en confiant à Meloni le soin d’ouvrir le dialogue. “Tout contact avec l'administration étasunienne est le bienvenu”, a-t-elle affirmé. Le défi est de taille : l’excédent commercial de l’UE avec les États-Unis s’élève à 236 milliards de dollars, dont 45,4 milliards pour l’Italie. 10% des exportations allemandes et italiennes se dirigent vers les Etats-Unis, 7% pour la France. Le pouvoir de négociation américain est indéniable. D’autant plus que les secteurs italiens les plus exposés : agriculture, automobile, vins, pharmaceutique sont précisément dans le collimateur de Donald Trump.
Une rencontre et des promesses
Giorgia Meloni a invité Donald Trump à Rome pour lancer officiellement les négociations, une initiative saluée par Bruxelles. La rencontre, prévue “dans un avenir proche”, devrait réunir également Ursula von der Leyen. La présidente de la commission européenne déclarait récemment en interview : “L’occident tel que nous le connaissons n’existe plus”. La première ministre italienne hier : “We hope to make West great again”. Naïf ? Peut-être. Néanmoins l’angle d’attaque choisi par la romaine peut s’avérer payant. La rencontre aura lieu “dans un avenir proche” et on en saura plus sur le ton que prendra Trump face aux européens.
Un joli coup pour la dirigeante italienne, qui semble s’imposer comme un trait d’union crédible. Si aucun accord n’a été signé, la tonalité de la visite est restée optimiste : Trump a promis qu’un accord “équitable” aura lieu à “100%”. Le président américain ne s’est toutefois pas montré particulièrement pressé à l’idée d’une cessation des tarifs. Les discussions sont en pause pour Pâques, mais l’atmosphère est à l’optimisme, renforcée par des signaux positifs envoyés à la fois vers la Chine et le Japon.
Un alignement stratégique sur les attentes américaines
Pour renforcer la coopération, Meloni a déployé plusieurs gestes significatifs : elle a promis une augmentation des dépenses militaires à hauteur de 2% du PIB italien pour répondre aux attentes américaines sur l’OTAN (Trump rétorque : “Ce n’est jamais assez” quand un journaliste demande s’il est satisfait). Elle a également évoqué 10 milliards de dollars d’investissements italiens aux États-Unis et des achats accrus de gaz liquéfié américain, marquant un rapprochement économique stratégique. Les initiatives vers le “Buy American” sont celles qui sont le plus estimées par l’américain. Sur le dossier ukrainien, sujet sensible compte tenu de ses divergences avec Trump, Meloni a su éviter les faux pas, restant fidèle à son engagement pro-Ukraine tout en préservant le dialogue. Elle qui a été forgé à l’anticommunisme fait partie des plus fervents soutient à Zelensky depuis le début de la guerre.
Meloni est repartie sans avancée tangible, mais avec un nouveau statut : celui d’ambassadrice officieuse de l’Union européenne à Washington. En refusant un accord bilatéral au profit d’une démarche collective, elle a rassuré Bruxelles. Sa stratégie ? Miser sur la diplomatie des affinités, espérant que le pouvoir de l’amitié permettra de résoudre les tensions transatlantiques. Face à la posture plus offensive de Pékin, l’Europe, sous impulsion italienne, joue la carte du dialogue.