La semaine dernière, Delta Air Lines a signé un accord pour investir 2,3 Mds$ dans le chilien Latam Airlines, contre 20% du capital du transporteur. Cette annonce n'a pas complètement surpris les bons connaisseurs du secteur, puisque l'Américain avait déjà investi en direct au sud des Etats-Unis en prenant 49% d'Aeromexico. Delta cherche à développer ce type de partenariat pour accroître son exposition internationale. Le Wall Street Journal pense que l'investissement dans Latam va encore plus loin et pourrait remettre en cause la structuration du marché autour des alliances internationales.

Trois alliances dominantes

Ces alliances ont été créées il y a une vingtaine d'années pour améliorer la couverture mondiale des transporteurs, simplifier les transferts de passagers et les correspondances et mutualiser les coûts. Elles sont trois à dominer le ciel mondial :

  • Star Alliance (fondée en 1997 par Lufthansa, United Airlines, Air Canada, Scandinavian et Thai). Première alliance à voir le jour, c'est à ce jour la plus grosse avec 27 membres.
  • Oneworld (fondée en 1999 par British Airways, American Airlines, Canadian Airlines, Cathay et Qantas). Elle est la plus petite des trois, avec 13 membres.
  • Skyteam (fondée en 2000 par Air France, Delta, Aeromexico et Korean). La plus récente, elle compte 19 membres.

L'intégration a été poussée au fil des années jusqu'au partage de codes et des programmes de fidélisation. Selon l'IATA, les trois principales alliances représentaient en 2018 quelque 56% du trafic mondial en matière de RPK (revenu passager kilomètre), mais des parts bien plus importantes de certaines liaisons clefs. Sur les lignes transatlantiques entre les Etats-Unis et l'Europe, leur part de marché dépassait 80% l'année dernière. C'est dire l'importance de ces organisations, dans lesquelles ne sont pas invitées les compagnies à bas coûts, hormis dans le cadre de partenariats secondaires. Notons toutefois qu'il existe deux petites alliances de transporteurs "low-cost" en Asie, U-Fly (Chine) et Value Alliance (Asie-Pacifique), dont le rayonnement et les moyens restent limités.

Les 18 plus grosses capitalisations mondiales du secteur aérien en octobre 2019 : les compagnies nord-américaines pèsent autant que le reste du monde (Source Zonebourse)

Mais revenons au WSJ. Le quotidien américain des affaires voit dans l'initiative de Delta une forme de critique du fonctionnement des alliances. Il signale que le management a l'air de plus en plus sceptique, lassé, peut-être, par l'inertie liée à l'arrivée à maturité de ces organisations. Le journaliste en veut pour preuve la phrase acerbe lancée par le PDG de Delta, Ed Bastian, à des analystes la semaine dernière : "Nous n'allons pas rester les bras croisés et attendre que les alliances développent leurs technologies". En attendant de découvrir si Delta a un plan caché, le groupe américain aura déjà sapé les fondations de Oneworld, l'une des alliances rivales : Latam devra la quitter pour accueillir son nouvel actionnaire.