* La chancelière minimise les tensions entre Paris et Berlin

* Des divergences sont apparues clairement ces dernières semaines

* Macron assume cette "confrontation féconde"

* Le rythme de Berlin peut-être pas suffisant, dit Loiseau (Actualisé avec Macron, Loiseau, contexte)

BERLIN/PARIS, 15 mai (Reuters) - Angela Merkel évoque des "débats intenses" avec Emmanuel Macron et des "mentalités différentes" mais minimise les tensions au sein du couple franco-allemand, jugeant dans une interview diffusée mercredi par le quotidien Süddeutsche Zeitung que la France et l'Allemagne continuent d'"obtenir beaucoup pour le projet européen".

"Nous avons évidemment des débats intenses. Nos mentalités diffèrent sur certains aspects et dans une certaine mesure nous envisageons nos rôles différemment", explique la chancelière allemande dans cette interview réalisée le 10 mai.

"Cela a toujours été le cas. Le président Macron n'est pas, après tout, le premier président français avec lequel je travaille", poursuit Angela Merkel, au pouvoir depuis 2005.

"Nous avons les mêmes idées générales, mais n'oubliez pas que nos deux pays ont des identités nationales différentes", dit-elle, évoquant le statut de membre permanent de la France au sein du Conseil de sécurité des Nations unies et de puissance nucléaire.

"Pourtant, en dépit de nos situations et de nos perspectives qui diffèrent, nous parvenons à nouer des compromis encore et encore. Ce faisant, nous avons obtenu et continuons d'obtenir beaucoup pour le projet européen."

Niant catégoriquement que le couple franco-allemand ait pris un virage négatif, la chancelière fédérale admet cependant que les agendas de Paris et de Berlin ont pu être parfois "désynchronisés".

"Lorsqu'il (Emmanuel Macron) a prononcé son discours à la Sorbonne (en septembre 2017-NDLR), nous sortions à peine de nos élections législatives en Allemagne. Il nous a fallu ensuite beaucoup de temps pour former un gouvernement", dit-elle en allusion aux quelque six mois nécessaires après les élections de septembre 2017 pour reconduire la coalition entre son bloc conservateur CDU-CSU et les sociaux-démocrates du SPD.

Angela Merkel souligne aussi que les "cultures politiques" de la France et de l'Allemagne diffèrent. "Je suis la chancelière fédérale d'un gouvernement de coalition. En tant que telle, je suis bien plus dépendante de notre Parlement que ne l'est le président français, qui n'est même pas autorisé à mettre un pied dans l'Assemblée nationale de son pays."

Pour autant, elle estime que Paris et Berlin, sur les "questions cruciales", sont "sur des longueurs d'onde tout à fait similaires" et relève des "progrès considérables" en matière de politique européenne de Défense.

LOISEAU S'INTERROGE SUR LE "RYTHME" DE L'ALLEMAGNE

Ces dernières semaines, des divergences entre Paris et Berlin sont apparues clairement, notamment lors du Conseil européen extraordinaire du 10 avril, quant à la date à laquelle devait être reportée la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne - Emmanuel Macron plaidait pour un délai court, Angela Merkel pour une durée plus longue.

Quelques jours plus tard, le chef de l'Etat français marquait une nouvelle fois sa différence avec Berlin en s'opposant à l'ouverture des négociations commerciales entre l'UE et les Etats-Unis, invoquant le retrait de Washington de l'accord de Paris sur le climat.

"Je crois que la chancelière Merkel dans son entretien a dit la même chose que ce que j’ai dit (...) en parlant d’une confrontation féconde", a déclaré Emmanuel Macron mercredi soir lors d'une conférence de presse à l'Elysée. "On travaille ensemble en permanence, nous trouvons des compromis, on essaye de les bâtir, mais il y a de la discussion".

"Donc nous devons réussir à accepter des désaccords momentanés, de ne pas être totalement d’accord sur tout pour avoir le courage d’affirmer ce que nous voulons – ce qui est attendu de la France en Europe, c’est de dire clairement ce qu’elle veut, ce qu’elle porte, quelles sont ses ambitions - et ensuite de construire un compromis avec l’Allemagne pour pouvoir avancer", a-t-il ajouté. "C’est comme ça que nous avons avancé sur beaucoup de choses et que nous continuerons à le faire avec le même esprit de construction et d’avenir qui nous anime la chancelière Merkel et moi-même".

A dix jours des élections européennes, la question de la relation franco-allemande s'est invitée dans un débat télévisé entre la tête de liste de la République en marche (LaRem) Nathalie Loiseau et celle du Rassemblement national (ex-Front national) Jordan Bardella.

"Jamais la France n'a jamais été aussi isolée sur la scène européenne", a dit ce dernier sur BFM TV. "Emmanuel Macron s'est fâché avec la Hongrie, avec la Pologne, il s'est fâché avec les Italiens, avec l'Allemagne".

"Nous faisons ensemble un avion de combat, un char de combat nous nous sommes mis d'accord pour un budget de la zone euro, l'Allemagne vient de rejoindre l'initiative lancée par le président de la République sur le climat", a souligné de son côté l'ancienne ministre des Affaires européennes.

"Il y a aussi un rythme qui est celui de l'Allemagne (...), c'est un rythme plus lent qui n'est peut-être pas suffisant pour répondre aux défis d'aujourd'hui", a-t-elle toutefois estimé. (Andreas Rinke à Berlin, Henri-Pierre André, Elizabeth Pineau, Jean-Baptiste Vey et Marine Pennetier à Paris, édité par Sophie Louet)