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par Anthony Esposito

TLAHUELILPAN, Mexique, 21 janvier (Reuters) - L'explosion d'un oléoduc vendredi soir au Mexique a fait 85 morts, selon un nouveau bilan communiqué dimanche par le ministre de la Santé, tandis que le débat sur la lutte contre le vol de carburant est revenu sur le devant de la scène.

Parmi les blessés, 58 personnes restent hospitalisées, a indiqué Jorge Alcocer, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse.

Avant l'explosion, des voleurs de carburant avaient fait une ponction sur le pipeline Tula-Tuxpan, à quelques kilomètres d'une des principales raffineries du Mexique.

Ce qui fait qu'au moment de l'explosion, deux heures plus tard, quelque 800 personnes venues avec des bidons en plastique récupérer du carburant qui s'échappait du conduit se trouvaient autour du pipeline. Le liquide qui s'en échappait formait un geyser de sept mètres de haut.

Une demi-douzaine de personnes interrogées samedi par Reuters ont déclaré que leurs proches s'étaient rendus au pipeline qui fuyait, dans le district de Tlahuelilpan, dans l'État d'Hidalgo, parce qu'ils avaient du mal à se procurer du carburant.

"Beaucoup d'innocents sont venus ici, peut-être que leur voiture n'avait pas assez d'essence pour le lendemain, et qu'ils se sont dits : je ne ferai que quelques litres", explique Isidoro Velasco, 51 ans, sans nouvelles de son neveu Mario Hidalgo, qui a eu 34 ans samedi.

Fin décembre, un mois après sa prise de fonction, le nouveau président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador a lancé un programme visant à mettre fin aux réseaux de distribution illégale de carburant. Ces détournements font perdre environ trois milliards de dollars de carburant par an à la société pétrolière publique Pemex.

Le plan présidentiel, qui prévoit l'arrêt momentané des pipelines endommagé par des gangs qui siphonnent le carburant, a entraîné une pénurie généralisée d'essence dans le centre du Mexique en janvier, y compris dans l'Etat d'Hidalgo. Samedi, la plupart des stations-service de Tlahuelilpan étaient fermées.

CELA FAIT TRÈS MAL

Ces mesures ont jusqu'à présent bénéficié d'un large soutien du grand public, à en croire les enquêtes d'opinion, malgré de longues files d'attente aux stations-service.

Après la catastrophe de Tlahuelilpan, le président Lopez Obrador a été confronté à de nombreuses questions sur la stratégie. Certains se sont demandés pourquoi les soldats déployés pour surveiller le pipeline n'avaient pas écarté la population. Les observateurs se demandent aussi si l'alimentation de l'oléoduc a été coupée assez vite après la détection de la fuite par Pemex.

Le directeur général de la compagnie publique, Octavio Romero, a déclaré samedi qu'une vanne avait été fermée sur le pipeline une fois la chute de pression constatée après la fuite, sans toutefois préciser à quelle heure. Du carburant a fui du pipeline pendant environ deux heures avant l'explosion, sans perte de pression visible.

Comme il n'y avait que 25 soldats présents sur le site, l'armée n'a pas voulu retenir la foule, ont indiqué le ministère de la Défense et Andres Manuel Lopez Obrador.

L'oléoduc Tula-Tuxpan fournit du carburant à d'autres États du centre du Mexique. Sa fermeture pour réparation après l'explosion pourrait aggraver les problèmes d'approvisionnement en carburant.

Selon le patron de Pemex, l'oléoduc avait été mis hors service fin décembre parce que le gouvernement voulait le protéger des gangs qui s'y sont servis par 10 fois à Tlahuelilpan. Depuis sa réouverture partielle le 16 janvier, il avait été attaqué à quatre reprises, a précisé Octavio Romero.

Selon un policier fédéral à Hidalgo, le trou dans l'oléoduc a sans doute été creusé par des bandits implantés localement plutôt que par des gros cartels comme Los Zetas ou le Cartel de Jalisco nouvelle génération (CJNG).

Andres Manuel Lopez Obrador s'est dit plus que jamais déterminé à lutter contre le vol de carburant. Le gouvernement cherche des moyens pour consolider les pipelines vieillissants afin qu'il soit plus difficile de les siphonner, a-t-il fait savoir.

En parallèle, a-t-il ajouté, le Mexique va augmenter son parc de camions-citernes pour la distribution aux stations-service.

"Même si cela fait très mal, nous devons poursuivre le plan pour mettre fin au vol de carburant", a déclaré le président. (Avec Daina Beth Solomon et Frank Jack Daniel; Danielle Rouquié et Arthur Connan pour le service français)