Vous lirez tout et son contraire aujourd'hui au sujet du résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Les Républicains crient victoire car ils avaient gros à perdre. Les Démocrates crient victoire car ils ont pris le contrôle de la Chambre des représentants. Donald Trump crie victoire parce que Donald Trump ne perd jamais. Les financiers crient victoire parce que le scénario qu'ils avaient prévu s'est concrétisé.
 
Vu d'en bas, tout le monde a des raisons de se féliciter et tout le monde a de quoi être déçu. Mais sans tirer trop de plans sur la comète, ni être un économiste particulièrement affûté, quelques remarques de bon sens s'imposent.
 
C'était mieux avant !
 
Pour Donald Trump, la situation était, quoi qu'il en dise, plus confortable avant l'élection, puisqu'il maîtrisait le Congrès. Comme ce n'est plus le cas, sa tâche s'annonce plus compliquée, même s'il peut compter sur un Sénat acquis à sa cause. Reste que la complexité de l'échiquier politique de Washington pourrait compliquer la lecture. Ce matin, l'équipe de stratégie d'Unicredit explique d'ailleurs ne pas croire à un changement d'orientation de la politique commerciale ou d'infrastructure. "Nous nous attendons à l'inverse à ce que les Démocrates utilisent la reprise du contrôle des comités de la Chambre pour surexposer le Président et affaiblir sa position pour la présidentielle 2020". 'House of Cards', mais en vrai.
 
Pain noir, pain blanc
 
L'économie américaine peut difficilement tourner plus vite, même si l'on prend en compte sa légendaire capacité d'adaptation. La croissance est forte, le chômage est au plus bas et la politique fiscale a dopé l'activité et permis le rapatriement des trésors de guerre des grandes entreprises. Si l'on met tous ces éléments dans le plateau de gauche de la balance et que l'on ajoute à droite : cycle de hausse de taux, tensions commerciales, renforcement du dollar, conséquences budgétaires de la politique fiscale… On peut légitimement estimer que les meilleures années sont passées pour Donald Trump, qui aura sans doute davantage à s'employer pour donner une vision positive de son bilan d'ici 2020. On risque aussi de reparler, indépendamment de l'élection, du déficit américain, qui va se creuser à 4,6% du PIB l'année prochaine selon les travaux du Congrès, avec une économie florissante, donc. Si la croissance ralentit, il existe un risque de (gros) dérapage.
 
Ce qui ne changera pas, ce qui pourrait changer
 
Le changement de majorité à la Chambre ne modifiera pas la politique de Donald Trump vis-à-vis de la Chine. Il pourrait en revanche infléchir la position du Président vis-à-vis des pays alliés, qu'il n'a pas vraiment ménagé depuis son élection. L'Europe pourrait profiter d'une posture moins extrémiste. Dans un tout autre registrée, l'idée d'une procédure d'Impeachment, qui refait son apparition ponctuellement, a du plomb dans l'aile avec le renforcement des Républicains au Sénat, même si beaucoup d'Américains ont le sentiment que leur Président flirte parfois avec la ligne rouge. Un Président qui devra revoir en baisse ses ambitions concernant le renforcement des mesures fiscales qu'il espérait faire passer sur la seconde moitié du mandat, parce que les parlementaires Démocrates exerceront un contrôle plus strict. Au moins, la Maison Blanche aura un bouc émissaire si la situation économique s'assombrit.

Les marchés financiers, eux, ont choisi leur camp : depuis que le résultat est plus ou moins figé, la hausse l'a emporté en Europe et au niveau des indicateurs avancés américains.