Ces deux entreprises ont un historique conséquent. Canadian Pacific a été créé en 1881 et Canadian National existe depuis 1919. 

Le réseau de Canadian National Railway (CN) est plus dense que celui de Canadian Pacific Railway (CP) avec 32 831 km de voie contre 20 100 km pour son homologue. Au Canada, d'ouest en est, son réseau maille tout le territoire de la Nouvelle-Écosse à la Colombie-Britannique, en atteignant ses deux grands ports ; il compte aussi plusieurs lignes stratégiques en Alberta, où se trouvent les grands gisements d'hydrocarbures en Amérique du Nord. Aux Etats-Unis, le réseau de Canadian National Railway enserre la région des grands lacs et descend jusqu'au bassin du Mississippi. 

Le réseau de Canadian Pacific Railway quant à lui relie le Québec à la région de Vancouver. Il est plus dense dans le sud du Saskatchewan et de l'Alberta, deux grands régions agricoles, qu'il relie au Midwest américain par une ligne qui descend du Dakota jusqu'en Iowa et au Missouri. 

Ces deux compagnies ont été des investissements exceptionnels sur la dernière décennie, car elles ont bénéficié de multiples vents porteurs : des gouvernances d'entreprises pacifiées, totalement orientées vers la performance opérationnelle et financière ; une croissance du trafic ferroviaire, moins polluant et plus économique que le transport routier ; un développement des activités portuaires au Canada ; un pricing power plusieurs fois éprouvé ; une hausse des activités de transport d'hydrocarbures, faute de capacité suffisante au niveau des pipelines entre le Canada et les Etats-Unis ; un contexte économique globalement très favorable sur le cycle ; et des taux d'intérêt qui sont restés au plancher sur la période, diminuant les coûts de financement. 

Les actions se sont appréciées de plus de 1300% chacune depuis août 2001 avec une légère surperformance pour Canadian Pacific dû à une croissance supérieure. 

Source : Zonebourse 

Une décennie bénie donc ! Faut-il s'attendre à la même chose sur le prochain cycle ? Chacun jugera comme il l'entend. Cela dit, signalons que ces deux compagnies disposent avec leurs réseaux respectifs d'un authentique "moat", c’est-à-dire d’un avantage compétitif unique et non-reproductible. Ces réseaux sont construits et il ne viendra à personne l'idée d'en financer un nouveau pour les concurrencer. Bien malins ceux qui avaient flairé l'opportunité à l'époque. Tout était au grand jour, il n’y avait qu’à se baisser pour ramasser de superbes opportunités d’investissement. La performance du cycle précédent avait elle aussi été exceptionnelle. Mais le propre de l'évidence est de passer inaperçu n'est-ce pas ?

Comparons les deux compagnies. Les chiffres données ici sont les moyennes sur les cinq derniers exercices comptables (2017-2021), sauf pour le taux de croissance annualisé calculé pour la décennie complète 2011-2021 :

Canadian National vs. Canadian Pacific, en janvier 2021 et en millions de dollars canadiens : 

Source : Zonebourse 

Quelques observations évidentes suite à ce comparatif :

  1. Croissance de l'activité un brin supérieure au PIB. Marges exceptionnelles (et en l'occurrence pérennes sur les deux derniers cycles) attestent du moat.
  2. Le Free Cash Flow est inférieur au résultat net à cause des dépenses d’investissement (capex) supérieures aux amortissements classiques dans ces industries relativement capitalistiques. 
  3. Les deux sociétés offrent un ROIC élevé et constamment supérieur à 15%. 
  4. Canadian National Railway a une allocation du capital moitié dividendes, moitié rachats d'actions. Canadian Pacific Railway est plus agressif sur les rachats d'actions. Dans les deux cas les rachats ont été réalisés à des multiples de valorisation assez élevés. 
  5. Les deux compagnies sont très chèrement valorisées, avec des multiples de boîtes tech en croissance à deux chiffres. Après l'avoir boudé à la sortie de la grande crise financière, on dirait que les investisseurs n'ont d'yeux que pour le fameux moat. 
  6. Malgré un levier financier beaucoup plus conséquent et un réseau moins dense, Pacific est valorisé avec un léger premium sur National en raison de sa croissance passée et anticipée supérieures.