* Sondages serrés en vue des élections de samedi
* Le rapprochement avec la Chine comme enjeu
par James Pomfret
TAIPEH, 12 janvier (Reuters) - Les partisans de
l'indépendance et ceux d'un rapprochement graduel avec la Chine
communiste sont au coude-à-coude dans les sondages avant les
élections présidentielle et législatives de samedi à Taiwan.
La perspective d'un parlement bloqué et de l'installation
d'un statu quo est même envisagée tant l'écart est faible entre
la coalition indépendantiste emmenée par le Parti démocrate
progressiste (PDP) et les nationalistes du Kuomintang (KMT).
"C'est difficile pour nous, mais peut-être qu'aucun des deux
partis n'aura la majorité", indique Gao Jyh-peng, un vieux
routier du PDP qui fait campagne en banlieue de Taipeh, la
capitale. "Si nous obtenons une majorité, nous pourrons au
moins, dans une certaine mesure, bloquer certaines politiques."
L'issue électorale pourrait avoir des implications pour les
relations sino-américaines en cette année d'élection
présidentielle aux Etats-Unis et de transition politique en
Chine.
L'île, qui a servi de refuge aux nationalistes en 1949 après
la guerre civile remportée par les communistes aux Chinois, est
revendiquée par Pékin et étroitement soutenue par Washington.
Pour Gao et les autres candidats, les dimensions
géopolitiques du scrutin ne sont pas l'essentiel: ils doivent
d'abord répondre aux préoccupations des électeurs concernant
l'emploi, le logement ou le pouvoir d'achat.
Mais si les nationalistes ne parviennent pas à conserver
leur majorité qu'ils ont reconquise en 2008 après huit années
dans l'opposition, la politique de rapprochement avec la Chine
pourrait être freinée et du même coup ralentir les
investissements étrangers qu'elle a stimulés.
UN TROISIEME PARTI COMME ARBITRE?
Le président sortant, le nationaliste Ma Ying-jeou, devance
légèrement la juriste Tsai Ing-wen, candidate du PDP, dans les
sondages mais même en cas de victoire, le contrôle du parlement
restera un enjeu crucial.
"Si l'on se retrouve avec différentes branches du
gouvernement contrôlées par différents partis, cela pourrait
être un problème pour avancer sur certains dossiers législatifs
importants, et pour mettre en oeuvre certaines grandes
réformes", analyse Ray Wu, chercheur à l'université Fu-Jen.
En dépit de leur rivalité historique avec les communistes au
XXe siècle, les nationalistes du Kuomintang sont aujourd'hui
plus enclins au rapprochement avec Pékin et à une intégration
économique rapide avec le continent.
La Chine voit quant à elle d'un oeil méfiant la candidate du
PDP, même si Tsai a modéré les positions indépendantistes de son
parti.
Il y a quatre ans, les nationalistes du KMT avaient remporté
81 des 113 sièges: cette confortable majorité a permis à Ma
Ying-jeou de mettre en pratique sa volonté de relations
commerciales plus poussées avec Pékin, qui ont abouti à une
amélioration marquée des relations de part et d'autre du détroit
de Taiwan.
Mais cette année, le scénario le plus probable dessiné par
les sondages est celui d'une courte majorité pour le KMT, ancien
parti dictatorial qui a ouvert le pays à la démocratie dans les
années 1990.
"Les nationalistes ont relativement une plus grande chance
d'obtenir une majorité mais ils n'auront jamais plus de 70%
comme en 2008", déclare Wang Yeh-lih, chef du département de
sciences politiques à l'université nationale de Taiwan.
Un résultat serré pourrait contraindre le président à
dépendre du parti le Peuple d'abord, émanation du KMT, au
programme similaire, mais dont le dirigeant James Soong est
opposé au chef de l'Etat.
Même s'il reste très loin des deux principaux partis dans
les sondages, cette formation pourrait jouer un rôle clé dans
les tractations qui se dérouleront à l'issue de ce scrutin à un
tour.
(Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par
Henri-Pierre André)