Genève (awp) - Les autorités politiques doivent prendre conscience que le risque zéro n'existe pas afin d'offrir de meilleures conditions-cadre aux entreprises. C'est le constat auquel sont arrivés mardi les participants à une conférence organisée à Genève par l'Institut libéral. Ils ont insisté sur l'importance de la responsabilité individuelle pour aboutir à une meilleure réglementation.

"La véritable question réside dans le fait de définir les responsabilités de chaque acteur, l'Etat, les entreprises et les individus", a lancé Stéphane Graber, secrétaire général de l'Association suisse du négoce de matières premières et du transport maritime.

Pour la majorité des intervenants, un de ces trois acteurs - l'Etat - dépasse clairement ses prérogatives naturelles. A leurs yeux, la situation actuelle n'est pas satisfaisante en raison d'une surréglementation causée par des autorités politiques voulant codifier tous les aspects de la vie.

Christopher Snowdon, responsable auprès de l'Institute of economic affairs à Londres, a dénoncé avec le plus de virulence ce qu'il appelle "l'Etat nounou". Dans l'Union européenne, la Finlande et la Suède seraient championnes toutes catégories en la matière.

Même dans des contrées de tradition libérale comme la Grande-Bretagne, des exemples d'intrusion jugée excessive de l'Etat existent. M. Snowdon a évoqué une campagne visant lutter contre l'alcoolisme dans le pays.

Intégrer les "méchants"

Il a été découvert que la fondation à l'origine de l'opération était financée par des brasseurs et des distillateurs, suscitant une controverse politique. "Le résultat est que cette campagne a été financée par le contribuable", a regretté le Britannique devant la fine fleur des milieux libéraux.

Ce dernier a également pointé du doigt les restrictions imposées à l'industrie du tabac, tracasseries qui ne feraient que favoriser l'essor du marché noir, selon lui.

Ces "méchants" acteurs économiques ont retenu l'attention des orateurs. Une représentante de l'organisation économique economiesuisse a vanté le système helvétique, qui inclut toutes les parties - même celles perçues par certains comme les moins fréquentables - au moment d'élaborer un texte de loi. "Le dialogue est la clé de tout", a expliqué Cécile Rivière, analyste auprès d'economiesuisse.

Pour illustrer son propos, la spécialiste a rappelé que le secteur de l'extraction minière a été convié aux discussions qui se sont tenues il y a quelques années en Suisse sur le respect des droits humains dans les affaires.

Pour Patricia Commun, historienne économique et professeure de l'Université de Cergy-Pontoise en France, le personnel politique doit faire preuve de plus d'humilité. "Certains décideurs doivent arrêter de se sentir responsables pour des millions, voire des milliards de personnes", a-t-elle ironisé.

L'émotion, mauvaise conseillère

Président du parti libéral-radical genevois, Alexandre de Senarclens a pour sa part déploré la vision électoraliste à court-terme prévalant parfois dans le processus législatif. "Les émotions et les polémiques créent souvent des réactions politiques mais rarement des lois efficaces", selon lui.

Mme Commun a affirmé que la crise de 2008 a été causée non pas par les banques, mais par l'Etat américain qui a autorisé ces établissements à octroyer des hypothèques à des clients non solvables.

Lutter contre l'"infantilisation" de la population constitue une priorité pour M. Snowdon. Réglementer tous azimuts afin d'aboutir à une société à zéro risque revient à déresponsabiliser les individus, selon lui.

Spécialiste de la régulation auprès du groupe de spiritueux et de vins Pernod Ricard, Hermance de la Bastide a quelque peu nuancé ces propos. "Nous n'aimons pas l'absence de règles. Pour nous, c'est une source d'incertitude", a-t-elle affirmé. L'inflation réglementaire constitue une bonne chose, à condition qu'elle soit adaptée au contexte particulier de chaque pays.

Un représentant de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a comparé la régulation internationale au code de la route. "Nous favorisons une circulation fluide, en essayant d'éviter les bouchons et en mettant en garde contre les cul-de-sac", a imagé Victor do Prado, du comité de conseil et de négociations commerciales de l'OMC.

L'Institut libéral est un groupe de réflexion fondé en 1979 à Zurich.

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