"Présentez-vous la genèse de votre société et son positionnement.
VOGO a été créée à Montpellier, en 2013, par quatre anciens collaborateurs de Netia, société éditrice de logiciels pour les radios et télévisions créée en 1993 et cédée à Orange en 2008 : les deux fondateurs, dont je fais partie, le directeur technique et la directrice financière. Nos compétences autour du digital et de la vidéo et la passion du sport nous ont réunis dans le projet de créer un outil permettant de remédier à la frustration de tout supporteur de rater une action.
Deux ans de recherche et développement nous ont menés à la mise au point d’une solution technologique permettant aux spectateurs de revoir instantanément les actions d’un événement dans une enceinte sportive, sur smartphone ou tablette, en vitesse normale, au ralenti, avec des angles de vue différents et en faisant des zooms.
Notre solution VOGO SPORT est accessible par une application directe dans le sport mais elle peut aussi être embarquée dans une application externe, comme l’application d’un club sportif par exemple. Elle a aussi un usage dans le cadre professionnel du sport : pour l’arbitrage vidéo et pour les médecins, sur un écran tactile.

En quoi votre solution technologique est-elle innovante dans la diffusion live de contenus audiovisuels ? Qu’apporte-t-elle de plus comparé au streaming ?

Dans les enceintes sportives, les moyens actuels de streaming ont des latences et saturent rapidement. Il faut beaucoup de réseau pour que cela fonctionne correctement. L’innovation de notre technologie, qui est protégée par quatre brevets, est d’offrir l’instantanéité du replay, en choisissant l’angle de vue et l’endroit où on veut revoir l’action, indépendamment du nombre d’utilisateurs dans le stade.
Cette rupture technologique est paradoxale car elle nécessite peu de moyens informatiques à mettre en œuvre. Avec le multicast, nous créons en plus une rupture économique. Proposer le streaming dans un stade nécessite d’importants investissements d’équipement (serveurs, wifi) alors que notre technologie se matérialise simplement par une VOGO BOX en location, à des tarifs inédits : le tarif moyen de location à la saison pour un club revient à 30 000 euros pour un stade de 20 000 places. En comparaison, l’équipement permettant le replay en streaming coûte plusieurs centaines voire plusieurs millions d’euros d’investissement.

Comment fonctionne le modèle économique de votre application ?

Le modèle économique est fondé sur la location, avec trois formules :
- La location à durée limitée à un événement. Par exemple, une compétition de golf ou une course automobile. Le prix moyen est de 5 000 euros par événement.
- La location sur la saison d’un club. Par exemple, la saison de ligue 1 de foot ou du Top 14 de rugby. Pour un stade de 20 000 places – la capacité moyenne des stades professionnels – la location est de 30 000 euros par an. Généralement le club n’a aucune difficulté pour trouver un sponsor qui va prendre la parole sur la solution et amortir partiellement voire totalement le coût de la location.
- La location pour les professionnels des stades qui ont besoin de revoir les actions : les arbitres et les médecins. La location à des fédérations ou ligues pour une utilisation professionnelle est de l’ordre de 150 000 euros par an par championnat. Et nous avons là un modèle avec 100 % de récurrence.
Pour les spectateurs, le service est gratuit, offert par le club.
A partir de 2019, nous allons ajouter une source de revenus supplémentaires de type Freemium, où l’utilisateur final aura la gratuité sur le modèle de base et un micro-coût sur des contenus supplémentaires exclusifs (entre 0,5 et 1,5 euros) : des statistiques live et du contenu multiplex sous réserve d’accord avec les ayants droit.

Quel est le potentiel commercial de VOGO SPORT ?

Le marché du sport a un potentiel de 500 millions d’euros au niveau mondial. Chaque année, 1 000 grands événements et 600 championnats se déroulent dans le monde.
Certaines zones géographiques ont un fort potentiel, comme les Etats-Unis, l’Europe, la Chine ainsi que le Japon, où nous avons déjà signé un partenariat avec Panasonic. La société a intégré notre solution dans son catalogue, ce qui nous a amené à couvrir le patinage artistique aux derniers JO d’hiver en Corée. Et les prochains JO auront lieu à Tokyo...
En Europe, nous sommes représentés en direct en France et via un distributeur en Italie pour le football. En Amérique du Nord et Sud, notre solution est commercialisée par des distributeurs et intégrateurs et nous allons nous implanter aux Etats-Unis, où nous avons deux actionnaires de taille : le basketteur Tony Parker et Tom Johnson, administrateur monde de Coca-Cola. Nous avons aussi un distributeur en Chine.

Quels sont vos ambitions à moyen-long terme ?

Notre ambition est de devenir le leader mondial des solutions live de diffusion de contenus audiovisuels. Fin 2017, notre chiffre d’affaires était de 739 000 euros. Notre objectif est de le porter à 10 millions d’euros en 2020 puis à 50 millions d’ici à 2023.

Vous visez une levée de fonds allant jusqu’à 15 millions d’euros à l’occasion de votre introduction sur Euronext Growth. Comment comptez-vous utiliser ces fonds ?

Notre première intention est de continuer à internationaliser la société. Environ 40 % des fonds levés serviront à renforcer l’équipe commerciale, créer une implantation aux Etats-Unis et à accélérer le déploiement mondial de notre réseau de distribution.
Pour cela, il nous faut aussi financer le développement de notre parc de VOGO BOX. Environ 30 % des fonds levés permettront de passer de 60 box aujourd’hui à 500 en 2020 puis à 1 000 en 2023, sachant que le prix de revient unitaire est d’environ 15 000 euros.

Nous souhaitons aussi conserver notre avance technologique pour maintenir notre leadership, avec deux axes de R&D représentant 15 % de la levée de fonds. Premièrement, le développement de fonctionnalités complémentaires en 2019, notamment pour les professionnels (arbitrage vidéo), avec un nouveau brevet. Deuxièmement, le portage de notre application sur le réseau 5G, qui sera déployé à partir de 2023, nous permettant de nous affranchir de l’infrastructure Wifi.
Les derniers 15 % de la levée de fonds serviront à la diversification vers trois marchés complémentaires à forte densité humaine, où le besoin de revoir et de s’attarder sur certains points est important :
- les concerts (zoomer pour être porche de l’artiste ou se mettre à la place de l’artiste si la caméra est posée sur lui), où notre concept est validé avec la couverture de trois événements (Coldplay, Guns N’ Roses et Mika).
- les défilés de mode (zoom, arrêt sur image) pour lesquels Channel et Vuitton ont déjà expérimenté notre solution, avec la possibilité de développer des fonctions métier supplémentaires.
- et l’e-sport, un marché en forte croissance, avec les compétitions de Fortnite, par exemple.

Les marchés financiers sont difficiles en cette fin d’année. Quels sont vos atouts, selon vous, pour réussir cette introduction en bourse ?

Nous avons un dossier intéressant, une belle technologie et un modèle économique qui a fait ses preuves avec 60 clients sur un marché mondial. Nous serons la première sportech cotée à Paris. Nous espérons ainsi bénéficier d’une prime au premier arrivant.
Les marchés sont certes difficiles, mais nous sommes confiants dans la réussite de cette levée de fonds car nous avons déjà sécurisé une bonne partie des investissements par un emprunt obligataire, réalisé en amont. Il avait notamment été souscrit par Tony Parker et GL Events. Nous avons ainsi des engagements pour 6,2 millions d’euros, soit environ la moitié de l’opération à son lancement.

Qu’en est-il de vos concurrents ?

Notre principal concurrent est le streaming, tout le monde le met en place. Nous avons pris le marché à contre-pied avec notre innovation. Notre valeur ajoutée est dans les enceintes sportives et les zones à forte densité humaine. Nous sommes aussi les seuls à proposer une application à la fois pour les spectateurs et pour les pros.
Nous voyons apparaître quelques concurrents en Europe (en Allemagne et au Danemark) qui travaillent sur des technologies comparables à la nôtre, mais ils n’en sont qu’au stade de R&D alors que nous avons déjà un important réseau commercial. Et, avec cette introduction en bourse, nous allons encore accélérer.
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