"Votre fonds est spécialisé dans les pays émergents, quelles sont les zones géographiques que vous privilégiez ?
Historiquement, c’est l’Asie que nous privilégions. Cette zone constitue plus de 60% de notre portefeuille. Dans le détail, la Chine représente 28% de nos actifs, l’Inde 23% et la Corée du Sud 8%. Nous avons également des positions en Malaisie, à Singapour, aux Philippines, en Indonésie et au Vietnam. Notre second choix est l’Amérique Latine qui constitue 17% de nos positions, dont la moitié au Brésil. 10% de notre portefeuille est placé en Afrique, 5% en Turquie, 2% en Russie, 2% en Israël. Nous avons temporairement renoncé à des positions en Europe de l’Est pour des raisons de liquidité. Nous y sommes toutefois présents indirectement via des sociétés turques ou israéliennes. Notre portefeuille contient en permanence une centaine de valeurs.

Quels sont vos critères d’achats ?
Nous investissons dans des sociétés cotées et avons un parti pris qui consiste à n’investir que dans des sociétés entrepreneuriales. J’entends des sociétés qui sont dirigées par leurs fondateurs ou leur famille fondatrice, ces derniers en étant les actionnaires principaux. En moyenne, les sociétés où nous investissons sont dirigées par des PDG qui sont actionnaires à hauteur de 41% de leur capital. C’est la stratégie de Warren Buffet qui consiste à corréler le degré de confiance accordé à une société au degré d’implication de son management. Tout repose sur la confiance et nous n’intervenons pas dans les décisions et les orientations stratégiques. Nous investissons sur des leaders responsables, hommes ou femmes, parce qu’ils connaissent leurs marchés, leurs concurrents et leur entreprise, mieux que quicquonque. Nous pensons qu’un entrepreneur a une vision de long terme, tandis qu’un manager salarié est plus enclins à prendre des décisions de court terme compte-tenu de la durée réduite de son mandat. Or, ce qui est source de valeur pour nous, ce sont les stratégies de développements à long terme. Les entreprises entrepreneuriales et familiales ont le profil parfait. Bien sûr nous n’investissons que lorsque les valorisations sont en plus attractives et que les sociétés cotées sont suffisamment liquides sur le marché.

Avez-vous des exemples de sociétés de ce type que vous suivez ?

Sunil Barthi Mittal a commencé sa vie d’entrepreneur en vendant des vélos dans la rue, et il est aujourd’hui à 53 ans à la tête d’un opérateur télécom leader sur le marché indien avec plus de 100 millions d’abonnés. Nous avons investi très tôt dans sa société car nous avons eu confiance en sa vision, son sens de l’innovation, et sa capacité à saisir des opportunités. Nous avons accepté sa perception du risque à long terme également. En l’an 2000, il y avait 2 millions d’abonnés à la téléphonie mobile en Inde, ils sont aujourd’hui 500 millions. Nous apprécions cette identification très forte entre une personnalité et un projet d’entreprises. Plus globalement, les pays émergents vont favoriser le développement de l’entrepreneuriat, c’est ce qui va structurer et accélérer leur développement économique. La Chine a réellement décollé lorsqu’elle a libéré l’entrepreneuriat.

Y a-t-il des secteurs qui, d’après vous, laissent apparaitre de gros potentiels de rendements ?
Il y en a plusieurs effectivement. Mais ce qui est intéressant, c’est que nous avons de fait écarté deux secteurs principaux : les bancaires et les pétrolières. Ces deux secteurs sont trustés par des grands organismes d’Etats ou par de majors étrangères, et par conséquent, ne répondent pas aux critères que je viens de citer. Pour le reste, nous sommes très ouverts. Le secteur de l’aérien présente de belles sociétés, notamment des compagnies low cost. Au Brésil, Gol est une compagnie de type Ryanair, mais avec la réputation d’Air France-KLM. Il y a aussi Jet Airways en Inde, ou Air Asia, qui sont des compagnies qui se sont développées sur les ruines des grandes compagnies nationales. Le secteur des génériques est un créneau porteur dans les pays émergents. Les médias et Internet présentent également de belles opportunités à l’image Ali Baba.com, à noter que les dirigeants-entrepreneurs y ont souvent moins de 45 ans. Dans le secteur des télécoms, maintenant que les structures existent et que les consommateurs sont équipés, les entreprises se lancent plus aisément sur des offres low cost. C’est un secteur très important dans les pays émergents parce qu’il va développer de nombreux services innovants qui dépasseront la seule communication. Ainsi, en Afrique de nombreuses compagnies télécoms proposent des produits de paiements via le mobile, contournant ainsi les structures bancaires traditionnelles.

En ces temps de crise, prenez-vous en compte le cadre macroéconomique de vos investissements ?
Nous accordons davantage d’attention aux pays qui ont su libérer les conditions de l’entrepreneuriat, c’est fondamental pour notre philosophie d’investissement. Ensuite, les pays qui ont accumulé des réserves de changes importantes sont à notre avis mieux armés pour assurer la continuité de leur développement et ainsi favoriser les investissements. Ces mêmes investissements seront porteurs de pouvoirs d’achats pour les consommateurs, et ainsi créeront un marché en croissance pour les entrepreneurs que nous accompagnons."