"Quelle vision avez-vous du parcours des actions de la zone euro en 2014 ?
2014 n’a pas été exceptionnelle pour le segment des actions de la zone euro, mais elle n’a pas été non plus mauvaise. Les performances des différents indices boursiers européens sont moindres que celles estimées en début d’année dernière. Pour l’Eurostoxx, elle ressort à 5% si l’on inclut les dividendes. Cela s’explique par une croissance plus atone que prévu et des tensions politiques qui ont conduit à un choc de confiance sur la capacité de résistance de la zone euro.
Il est à relever sur le plan sectoriel, alors que quasiment tous les secteurs liés aux matières premières ont souffert, que le secteur de la santé des services publics et des télécoms ont su tirer leur épingle du jeu.

Avec quel sentiment débutez-vous l’année 2015 ?
Cette année le marché des actions de la zone euro me parait être plus prometteur que le marché des actions américaines. Ce dernier est très tendu. L’effet comparatif énergétique ne joue plus en faveur des Etats-Unis. Ce qui leur est salutaire est surtout la hausse programmée du dollar, les investisseurs ayant intérêt à se positionner sur une devise qui a vocation à s’apprécier davantage. Pour autant il apparait que le plus gros du parcours a été effectué.

Vous identifiez quatre facteurs importants qui devraient porter à la hausse les actions de la zone euro cette année ?
Absolument. Nous avons tout d’abord le fort repli du prix du baril de pétrole qui devrait se traduire par une libération du pouvoir d’achat pour les consommateurs européens et une hausse des profits pour les entreprises européennes. On estimait qu’un niveau de prix du baril de 55 dollars engendrerait une hausse de 0,7% pour le PIB européen. Aujourd’hui, le cours se situe à 49 dollars. Ainsi une révision positive de la croissance au sein de la zone euro est envisageable.
Les taux d’intérêt devraient par ailleurs rester durablement bas ce qui constitue une protection supplémentaire pour le segment.
L’annonce du programme de quantitative easing par la BCE ce 22 janvier constitue un autre appui non négligeable. Les investisseurs massivement détenteurs de titres souverains européens vont se retrouver avec une liquidité abondante qu’ils vont devoir réallouer, notamment dans le compartiment des actions de la zone euro.
Les flux devraient enfin affluer. Les investisseurs européens et japonais devraient se diriger plus abondamment vers les actions de la zone euro. Le rallye a été en grande partie réalisé sur le marché des actions américaines-en trois ans le S&P 500 a quasiment triplé. Qui plus est, le marché des actions japonaises est compliqué. Nous n’avons toujours pas la garantie que les mesures prises par les autorités budgétaires et monétaires japonaises aboutissent à des résultats concluants. Nous pouvons même craindre que le coup d’accélérateur de la BoJ soit in fine contre productif pour les consommateurs japonais eu égard à la montée de l’inflation. Seul recours positif pour la bourse japonaise, les réallocations des fonds de pensions étatique et privés vers les actions. A titre d’exemple le fonds de pension gouvernemental va renforcer sa quote part actions domestiques de 12 à 25% ceci conduit à un afflux de capitaux 80 Mds USD.

Qu’attendez-vous dans votre scénario central pour la devise européenne, le prix du pétrole, le cout de la dette des entreprises ?
Selon moi la parité euro dollar vaut 1,05. Des intérêts divers et variés font que l’on n’atterrit pas encore à ce niveau. Toutefois on devrait finir par le toucher.
Les surplus commerciaux sont colossaux. Pourtant l’euro maintient son fléchissement. On a alors cassé la logique qui consiste à dire que l’excédent de la balance courante amène automatiquement à une revalorisation de la monnaie unique.
Je crois que le bas niveau des prix du pétrole ne peut pas tenir durablement. Quasiment tous les producteurs de pétrole de schiste se sont couverts contre la diminution du cours du baril pour 2015 sur des niveaux de 90$. Au fur et à mesure de l’année cette couverture devrait se fragiliser. Beaucoup de sociétés sont très endettées. Leur seuil de rentabilité, de 47 dollars, est fortement rogné. Tous les crédits mis en place pourraient devenir de futures subprimes.
Les taux de refinancement des entreprises sont arrivés à un niveau tellement faible en relatif que je n’envisage pas de décote prononcée additionnelle.

De quelle manière voyez-vous évoluer le ratio cours de bourse sur bénéfices futurs (PE) pour la zone euro ?
Le PE se situe autour de 14. Nous pourrions monter à 15, guère plus. Nous tablons sur une progression des bénéfices de 7% à 8%. 10% me parait exagéré dans une conjoncture qui n’est pas totalement raffermie.

Quel regard portez-vous sur les risques pour le segment de marché ?
Le marché devrait encore se faire peur au rythme du calendrier des différents rendez-vous politiques. Des points d’entrée intéressants en découleront. Cependant nous ne devrions pas voir de dérapage. En particulier, je suis convaincu que l’on ne laissera pas tomber la Grèce.
La menace de la déflation me parait amoindrie dans la mesure où la dépréciation de l’euro devrait contribuer à renchérir le coût des biens importés au sein de la région.
Je ne suis pas convaincue que les Etats-Unis remonteront significativement leurs taux cette année car cela pourrait s’avérer néfaste pour leur économie. La Fed pourrait débuter par un geste symbolique, une dose homéopathique, pour ne pas décevoir le marché et montrer que la situation est sous contrôle mais elle ne devrait pas aller très loin auquel cas la hausse du dollar se verrait accélérée.
Les niveaux d’équilibre budgétaire des différents Etats producteurs de pétrole, il n’y a plus que le Koweït qui est dans les clous, à 45 dollars le baril. Ces Etats finiront par parvenir à mettre un terme à la tendance descendante du prix de la matière première. Un pays comme la Libye a un cout d’extraction situé entre 110 et 130 dollars.

Quelle allocation d’actifs préconisez-vous ?
Nous avons commencé à nous repositionner sur l’Europe de manière progressive. Nous pourrions mettre le pied sur la pédale d’accélération au moment où la BCE débutera véritablement son programme de quantitative easing et à la condition que le prix du pétrole persiste en dessous de 60 dollars.
Je pense qu’un retour sur le secteur des matières premières est concevable car les conditions climatiques ont été historiquement exceptionnelles et ont peu de chance de se reproduire deux années d’affilé. Au rythme où va la dynamique économique des Etats-Unis, même si la croissance de la Chine décélère quelque peu, avec une légère reprise de l’activité au niveau européen, nous devrions revoir des frémissements sur le secteur des métaux de base, le secteur énergétique et le secteur industriel. L’engouement pour le secteur de la santé devrait demeurer d’actualité.
En revanche, je pense que des exagérations se sont manifestées sur le secteur des télécoms. Même si les sociétés de ce dernier pan de l’économie sont très générateurs de cash, elles sont encore contraintes par une régulation endurcie et une concurrence exacerbée. La même analyse vaut pour les sociétés de services aux collectivités dont le pricing power et donc les marges devraient continuer à être sous pression.
Une prudence est également à afficher à l’égard du secteur de la consommation en raison de l’alourdissement de la fiscalité et l’augmentation de la dette.

Quid du secteur bancaire ?

Le secteur bancaire est dans une situation meilleure que par le passé. Néanmoins la demande de crédit est atone. Dans ces conditions, les résultats des banques ne devraient pas connaitre une franche amélioration.
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