"Vous avez décidé d’introduire la société  Kalray en bourse. Racontez-nous sa genèse ?
L’histoire de la société est née en 2008 au Commissariat à l'Énergie Atomique avec l’idée de créer un supercalculateur sur une puce. Un travail de longue haleine a été accompli pour concevoir un processeur qui a vocation à être au cœur d’un nouveau marché, celui des systèmes intelligents.
Ces systèmes ont pour finalité d’analyser toutes les données générées autour de nous et de prendre des décisions en conséquence. L’exemple le plus concret de système intelligent est la voiture autonome, qui grâce à la captation de données et à leur analyse, va prendre des décisions relatives à la conduite.

Quelles ont été les grandes étapes de l’histoire de Kalray ?

Depuis sa création, Kalray a connu deux grandes étapes. La première étape a coïncidé avec la maturation de la technologie. Elle a duré jusqu’en 2013/2014.
La deuxième étape, que j’ai initiée, a consisté à transformer Kalray d’une société très centrée sur la technologie et très nationale à une société plus marchande et plus internationale. Il a été question de déterminer les marchés pertinents par rapport à la technologie développée pour offrir des solutions à de réels besoins. Les deux segments identifiés et sur lesquels nous sommes aujourd’hui positionnés sont le marché des « data centers intelligents » (infrastructures qui relient les ordinateurs et unités de stockage) et le marché des « voitures intelligentes » avec les voitures autonomes.
Désormais Kalray est à l’aune d’une troisième étape. Celle-ci a vocation à accompagner nos clients dans la fabrication de leurs produits transformés avec une production à grande échelle. Typiquement nous avons aidé Renault à lancer un concept-car Symbioz. Notre volonté à présent est d’approvisionner Renault pour vendre en gros volume son prototype.
Cette troisième étape sera focalisée dans un premier temps sur le segment des data centers.

Qu’en est-il de la force vive censée permettre de concrétiser une telle évolution ?

Nous comptons aujourd’hui une soixantaine de collaboration. Nous ambitionnons à augmenter cet effectif de 15% par an dans les années à venir.
Votre introduction en bourse intervient pour appuyer cette troisième étape ? Qu’espérez-vous de cette opération ?
Nous visons concrètement une levée de fonds de 35 millions d’euros. Nous avons un niveau de pré-engagements très fort, autour de 23 millions d’euros. En cela nous pouvons considérer que l’IPO est sécurisée. La période de souscription se termine le 6 juin.

Comment envisagez vous d’utiliser ces 35 millions d’euros ?

60% de ce montant devrait nous permettre à continuer de développer notre feuille de route. Notre technologie étant mature, nous voulons penser à de nouvelles variantes à mettre sur le marché.
Le reste de la collecte est censé nous aider à croitre notre chiffre d’affaires avec une augmentation de notre force commerciale aux Etats-Unis, en Europe et en Asie et le financement de nos besoins en fonds de roulement.

Avez-vous avancé des objectifs chiffrés ?

Nous ciblons l’équilibre à horizon 2020.
Nous escomptons générer 100 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2022 essentiellement sur le segment des data centers. Cela devrait représenter 30% de ce marché en pleine dynamique.

A quel horizon espérez-vous vous positionner à grande échelle sur le segment des voitures autonomes ?

Nous sommes d’avis que nous pourrions être en mesure de le faire autour de 2021/2022. Cependant nous avons préféré ne pas établir d’hypothèse pour l’instant dans notre plan.
Allianz qui est un actionnaire de référence dans le capital de Kalray estime qu’il fera 14 millions de véhicules en 2022. Si nous n’avions que 10% de ce marché, nous serions en mesure de générer des revenus de 140 millions d’euros par an.

Pour atteindre vos objectifs chiffres sur quels leviers comptez-vous vous appuyer ?
Un premier levier réside dans notre positionnement sur un marché en pleine ébullition, qui représente actuellement quelques dizaines de millions d’euros mais qui devrait connaitre une hausse de 50% par an pour atteindre un milliard d’euros en 2022.
Nous avons une très forte valeur ajoutée par rapport à nos concurrents pour adresser ce marché.

Qui plus est, nous jouissons d’un modèle "fabless". Dit autrement, nous n’avons pas besoin d’usines. Nous nouons des partenariats avec de grands acteurs pour fabriquer nos processeurs. Nous travaillons avec TCMC, un géant asiatique qui est également à l’œuvre pour d’autres grandes firmes comme Apple.
Ainsi, que nous commercialisions 100 puces ou 100 000 puces, cela nous requière aucun investissement supplémentaire. Il nous suffit de passer une commande auprès de notre fournisseur.

Un autre de nos points forts réside dans notre actionnariat. De grands noms ont accepté de nous faire confiance comme Safran, Allianz, BDA, Airbus, le nouveau fonds du Ministère de l’Armée. Ces différents acteurs ont accepté de nous donner la main après avoir passer plusieurs mois à analyser notre technologie. Cela forge notre crédibilité.

Vous misez sur un seul fournisseur ?

Pou l’instant nous collaborons avec seulement TSMC mais nous n’excluons pas l’option de faire appel à d’autres fournisseurs si cela s’impose.

Quel regard portez-vous sur la concurrence ?

Kalray est pionner sur la technologie qu’il propose. Jusqu’il y a dix ans, il n’y avait dans les processeurs qu’un seul moteur, que l’on appelle un cœur. Face aux limites physiques rapidement atteintes par ce cœur, l’industrie a répondu avec la création de processeurs à plusieurs cœurs.
Kalray est parvenu à intégrer dans les processeurs qu’il commercialise plusieurs centaines de cœurs, 288 cœurs pour être plus précis. Seul Kalray est en mesure de proposer concrètement un tel produit aujourd’hui. D’autres sociétés travaillent sur le sujet mais sont encore au stade de prototype.

Ne craignez vous pas que les géants de l’informatique veuillent plus occuper ce marché et se lance dans l’acquisition d’une société comme Kalray ?

Il est très probable que Kalray fasse l’objet de convoitise à moyen terme. Pour l’instant notre IPO ne s’inscrit pas dans cette logique. L’ambition première est de créer de la valeur.

Quels risques sont sous-jacents au développement de la société ?

Un premier risque est peut-être relatif à notre taille. Nous devons composer avec des sociétés informatiques qui sont bien plus grandes. Un élément de réponse à ce risque a été de faire entrer dans le capital de Kalray des sociétés d’envergure, qui font référence. L’IPO est également une manière de consolider notre crédibilité aux yeux des clients avérés et potentiels.
Notre taille modeste peut également être un atout dans la mesure où elle nous donne l’agilité suffisante pour nous adapter aux mutations du marché.
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