BAMAKO/PARIS (Reuters) - Le Mali a mis en garde jeudi la France contre des "réflexes coloniaux", visant la ministre des Armées Florence Parly, qui a dénoncé les "provocations" de la junte dans un nouvel accès de tensions avec les autorités de Bamako.

Ce regain d'animosité intervient en plein débat sur la force Takuba, le groupement de forces spéciales européen emmené par la France qui lutte au Sahel contre les groupes armés djihadistes. Le Danemark a dépêché ce mois-ci 105 hommes pour appuyer ses rangs.

Une initiative contestée par la junte malienne qui a demandé lundi au contingent danois, déployé selon elle sans son consentement, de quitter le pays sans délai. Copenhague a annoncé jeudi se tenir prêt à retirer ses troupes face à des propos intolérables.

Une situation inacceptable pour Paris.

Florence Parly l'avait fait savoir mardi à l'Assemblée nationale, exprimant la solidarité de la France avec le Danemark, "dont le déploiement se fait sur une base juridique légale".

"La junte malienne a rompu ses engagements et multiplie les provocations", avait-elle ajouté, citant notamment l'enrôlement de mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner, dont l'influence grandissante escamote la force française Barkhane.

Le président français Emmanuel Macron a annoncé le 10 juin 2021 une "transformation profonde" de la présence militaire française au Mali, avec l'objectif de maintenir à terme entre 2.500 et 3.000 hommes au Sahel, sur les 5.100 mobilisés aujourd'hui dans le cadre de Barkhane.

Les relations entre la France et le Mali, une ancienne colonie, n'ont cessé dès lors de se dégrader, d'autant que la junte en place depuis août 2020 a abandonné son engagement de rendre le pouvoir aux civils avec l'organisation d'élections législatives et présidentielle en février 2022.

IRRITATION AU DANEMARK

Le colonel Abdoulaye Maïga, ministre et porte-parole du gouvernement de transition, s'en est pris avec virulence mercredi soir, sur la première chaîne nationale ORTM1, à Florence Parly, l'invitant "à plus de retenue et également à respecter le principe élémentaire de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un État".

S'adressant dans le même temps aux autorités danoises, il a ajouté, visant implicitement Paris : "Nous les invitons à faire attention à certains partenaires qui ont du mal malheureusement à se départir des réflexes coloniaux."

Les ministères français des Armées et des Affaires étrangères ont refusé tout commentaire.

Le colonel Maïga a redemandé en outre, "avec insistance", à Copenhague de retirer ses forces spéciales.

Prenant acte de ces nouvelles déclarations, le Danemark a annoncé jeudi préparer son retrait militaire.

"Nous ne pouvons tolérer cela, en conséquence, nous avons décidé de renvoyer nos soldats à la maison", a déclaré lors d'une conférence de presse à Copenhague le chef de la diplomatie danoise, Jeppe Kofod.

Les partenaires internationaux engagés au Mali ont dit mercredi "regretter profondément" l'initiative des autorités maliennes de transition envers le Danemark.

La force Takuba, qui compte 14 pays, regroupe 600 à 900 personnes, dont des équipes médicales et logistiques.

La France redoute que l'épisode danois ne remette en cause les futurs déploiements prévus cette année par la Norvège, la Hongrie, le Portugal, la Roumanie et la Lituanie.

La Norvège, le Portugal et la Hongrie seraient dans l'attente d'un feu vert de Bamako.

(Reportage John Irish à Paris et Tiemoko Diallo à Bamako, Nikolaj Skydsgaard, Stine Jacobsen et Jacob Gronholt-Pedersen à Copenhague, version française Sophie Louet, édité par Jean-Stéphane Brosse)