Milan (awp/afp) - La croissance en Italie, déjà exsangue, sera encore moins importante que prévu, selon une série d'estimations d'économistes et d'institutions, ce qui risque de compliquer l'équation budgétaire de la coalition populiste au pouvoir.

La Banque centrale italienne a annoncé vendredi tabler sur une hausse du PIB (Produit intérieur brut) de 0,6% en 2019, soit nettement moins que la croissance de 1% attendue par le gouvernement d'union de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème).

La Banque centrale, qui tablait elle aussi sur 1% jusqu'à présent, expliqué cette révision à la baisse par "les données plus défavorables observées dans la dernière partie de 2018 (...), le redimensionnement du plan d'investissements des entreprises et les perspectives de ralentissement du commerce mondial".

"Après l'interruption de la croissance au troisième trimestre (après 14 trimestres de hausse, ndlr), les indicateurs disponibles montrent que l'activité pourrait encore avoir diminué au quatrième trimestre", a-t-elle noté, en prévoyant ainsi une hausse du PIB de seulement 0,9% en 2018 (contre 1% prévu par la coalition au pouvoir).

La Banque d'Italie prévoit ensuite une augmentation du Produit intérieur brut de 0,9% en 2020 et de 1% en 2021.

Plusieurs experts ont annoncé eux aussi cette semaine des prévisions nettement moins optimistes que celles du gouvernement.

L'agence de notation Standard & Poor's table sur une hausse du PIB italien de 0,7% en 2019, avec une consommation stable mais une perspective plus négative concernant les investissements, puis de 0,9% en 2020.

Le cabinet Oxford Economics prévoit de son côté une croissance italienne de 0,3% cette année.

Certains sont encore plus pessimistes, comme Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien et désormais à la tête du cabinet LC Macro Advisors, qui prévoit un recul du PIB de 0,2% en 2019.

"Le 4e trimestre 2018 était très certainement en territoire négatif" et l'Italie "en récession technique au deuxième semestre", a-t-il déclaré.

Une "récession technique" se caractérise par deux trimestres consécutifs de recul du PIB.

Crise "inévitable"

M. Codogno ne prévoit une amélioration modérée qu'à partir du deuxième semestre 2019.

"Une récession aggrave substantiellement les comptes publics, s'ajoutant à ce qui a été déjà produit par le récent budget malavisé", a mis en garde M. Codogno, selon qui une crise est désormais "inévitable".

Après un bras de fer avec la Commission européenne, Rome a accepté de baisser son déficit public à 2,04% du PIB en 2019 (contre 2,4% soumis initialement), mais ce chiffre demeure très loin du 0,8% prévu par le précédent gouvernement de centre gauche.

Il base cette prévision sur une croissance de 1%, mais si celle-ci est plus faible que prévu, le déficit public risque d'être encore plus élevé, ce qui devrait créer de nouvelles tensions avec Bruxelles.

Interrogé sur une possible révision de la loi de finances, le ministre des Affaires européennes, Paolo Savona, a déclaré: "Je ne peux pas le dire maintenant avec ce qui est en train de se passer dans le reste du monde".

"Nous avons un principe selon lequel le gouvernement analysera tous les trois mois l'évolution des comptes", a-t-il rappelé.

La coalition populiste estime nécessaire une politique expansionniste afin de relancer la croissance et de créer un cercle vertueux qui permettra de réduire le déficit et la gigantesque dette italienne (2.345 milliards d'euros).

Elle a adopté jeudi soir les décrets-lois créant le "revenu de citoyenneté" (RDC) et abaissant l'âge de la retraite.

Le budget 2019 prévoit une enveloppe de sept milliards d'euros pour le RDC, la principale promesse du M5S, et de quatre milliards pour la réforme des retraites (ainsi que 8,6 milliards en 2020), la mesure phare de la Ligue.

De nombreux experts ont cependant estimé que les mesures annoncées, en particulier sur les retraites, risquaient de coûter bien plus cher.

afp/rp