BERLIN (Reuters) - L'Allemagne a signalé dimanche un revirement dans ses principales politiques énergétiques, en évoquant la possibilité d'allonger la durée de vie des centrales à charbon et même des centrales nucléaires afin de réduire sa dépendance au gaz russe, après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Plusieurs nations occidentales ont fait pression sur la première économie européenne pour qu'elle devienne moins dépendante du gaz russe, mais ses plans visant à supprimer progressivement les centrales thermiques au charbon d'ici 2030 et à fermer ses centrales nucléaires d'ici fin 2022 lui ont laissé peu d'options.

Dans un discours prononcé dimanche, le chancelier allemand Olaf Scholz a exposé une voie plus radicale pour que l'Allemagne puisse réduire sa dépendance énergétique envers la Russie.

"Les événements de ces derniers jours nous ont montré qu'une politique énergétique responsable et tournée vers l'avenir est décisive non seulement pour notre économie et l'environnement, mais également pour notre sécurité", a déclaré Olaf Scholz lors d'une session spéciale du Bundestag consacrée à la crise ukrainienne.

"Nous devons changer de cap pour surmonter notre dépendance à l'égard des importations de fournisseurs d'énergie individuels", a-t-il ajouté.

Cela passe par la construction de deux terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL), à Brunsbüttel et à Wilhelmshaven, dans le nord de l'Allemagne, et par l'augmentation de ses réserves de gaz naturel.

L'Allemagne étudie également la possibilité de prolonger la durée de vie de ses dernières centrales nucléaires afin de sécuriser l'approvisionnement énergétique du pays, a déclaré le ministre de l'Economie Robert Habeck, membre des Verts.

Interrogé par la chaîne de télévision allemande ARD pour savoir s'il pouvait envisager de permettre aux centrales nucléaires de fonctionner plus longtemps que prévu dans le cadre du plan de sortie de l'Allemagne, qui prévoit la fermeture des trois centrales restantes du pays d'ici la fin 2022, il a répondu : "Cela fait partie des tâches de mon ministère de répondre à cette question. Je ne la rejetterais pas pour des raisons idéologiques".

Isar 2, Emsland et Neckarwestheim 2 sont les dernières centrales nucléaires produisant de l'électricité en Allemagne après que le pays a décidé, il y a dix ans, d'éliminer progressivement ce combustible à la suite de la catastrophe de Fukushima au Japon.

Robert Habeck a également déclaré que laisser les centrales thermiques à charbon fonctionner plus longtemps que prévu était une option, jetant un doute sur la sortie du charbon de l'Allemagne, prévue pour 2030.

"Il n'y a pas de tabou sur les délibérations", a déclaré Robert Habeck, ajoutant que l'objectif de l'Allemagne était de choisir le pays qui lui fournira son énergie.

En début de semaine, l'Allemagne a suspendu la certification du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l'Allemagne après la reconnaissance par Moscou de l'indépendance des territoires séparatistes de l'est de l'Ukraine.

La Russie a depuis envahi l'Ukraine, incitant l'Occident à imposer de nouvelles sanctions à Moscou et rendant la question de l'approvisionnement énergétique encore plus pressante.

La réorganisation des priorités énergétiques s'accompagne d'un changement de paradigme dans la politique étrangère et de défense allemande, Olaf Scholz ayant également annoncé une augmentation spectaculaire des dépenses militaires.

(version française Camille Raynaud)

par Christoph Steitz, Riham Alkousaa et Maria Sheahan