Le fabricant américain de cartes graphiques Nvidia va racheter le concepteur britannique de puces Arm Holdings au conglomérat japonais SoftBank pour un montant pouvant atteindre 40 milliards de dollars (33,8 milliards d'euros), ont annoncé les deux groupes lundi, dans le cadre d'une opération qui devrait bouleverser le secteur des semi-conducteurs.

Arm, dont l'architecture ouverte des processeurs est utilisée par Apple et quasiment tous les fabricants de smartphones et de tablettes dans le monde, est un fournisseur de premier plan pour le secteur des semi-conducteurs. Son passage sous le contrôle de Nvidia, première entreprise américaine de puces en termes de capitalisation boursière, pourrait susciter l'opposition des concurrents et des autorités de régulation.

Certains se demandent si l'approche ouverte d'Arm, sous pavillon américain, sera maintenue dans un contexte de tensions entre les Etats-Unis et la Chine.

Arm a en outre accordé des licences sur sa technologie à Intel, Qualcomm et Samsung Electronics qui sont des concurrents de Nvidia.

Quelques heures après cette l'annonce de cette opération, le cofondateur d'Arm a estimé que la vente était un "désastre", qui allait détruire le modèle d'entreprise du groupe britannique.

"C'est un désastre pour Cambridge, le Royaume-Uni et l'Europe", a déclaré Hermann Hauser dans une interview accordée à Reuters. "C'est la dernière entreprise technologique européenne de dimension mondiale et elle est vendue aux Américains", s'est-il insurgé.

LE GOUVERNEMENT BRITANNIQUE ATTENTIF À L'OPÉRATION

La Grande-Bretagne a déclaré vouloir procéder à un examen minutieux de l'opération et s'est dite prête à prendre des mesures si nécessaire.

"Si une prise de contrôle a un impact significatif sur le Royaume-Uni, nous n'hésiterons pas à enquêter davantage et à prendre les mesures appropriées", a déclaré un porte-parole du gouvernement.

Le directeur général de Nvidia, Jensen Huang, a indiqué de son côté que son groupe allait investir au Royaume-Uni dans le recrutement d'ingénieurs et dans la recherche. Un nouveau centre de recherche et développement sur l'intelligence artificielle sera construit au siège d'Arm à Cambridge, a-t-il dit.

"Nous voulons faire croître Arm et le rendre encore plus important", a déclaré Jensen Huang lors d'une conférence avec des analystes.

"Le gouvernement britannique va se rendre compte que nous faisons un investissement très important au Royaume-Uni", a-t-il ajouté.

L'acquisition d'Arm devrait être également examinée de près en Chine, où des milliers d'entreprises, de Huawei aux start-ups, utilisent la technologie développée par le groupe britannique.

"UNE ALTERNATIVE À INTEL"

Selon Jensen Huang, le directeur général de Nvidia, cette opération va permettre au groupe américain de se renforcer dans les puces pour centre de données. "C'est la première fois dans l'histoire du secteur qu'il y aura une véritable alternative" à la domination d'Intel, a-t-il déclaré.

Jensen Huang s'est engagé à préserver le modèle ouvert de licence d'Arm et même de l'étendre en y associant, pour la première fois, la propriété intellectuelle de Nvidia.

Le groupe américain compte proposer sous licence son processeur graphique phare via le réseau de partenaires d'Arm. Nvidia fabriquera aussi des puces pour les voitures autonomes et mettra à disposition cette technologie à d'autres.

Arm ne sera pas soumis aux contrôles américains sur les exportations dans le cadre de l'accord, a promis Jensen Huang.

Simon Segar, le directeur général d'Arm, a déclaré pour sa part aux analystes que l'opération ne changerait ni le modèle d'entreprise du groupe ni la juridiction régissant ses technologies.

"Nous conserverons notre neutralité et certain niveau d'indépendance", a-t-il assuré, lorsqu'il lui a été demandé si le Comité sur les investissements étrangers aux Etats-Unis (CFIUS) encadrerait désormais les relations avec les clients du groupe.

SPÉCULATIONS AUTOUR DE SOFTBANK

La vente du concepteur britannique de puces intervient quatre ans après son rachat par Softbank pour 32 milliards de dollars. Le conglomérat nippon procède actuellement à des cessions d'actifs afin de lever des fonds.

Alors que la performance en Bourse de l'action du groupe japonais n'a pas été à la hauteur des espoirs de ses dirigeants, l'opération avec Nvidia devrait alimenter les spéculations sur une sortie de la cote de Softbank, a déclaré à Reuters une source.

A la Bourse de Tokyo, le titre Softbank a fini en hausse de 8,96% à 6.385 yens.

Dans le détail, Nvidia paiera à SoftBank 21,5 milliards de dollars en actions et 12 milliards de dollars en numéraire, dont deux milliards de dollars à la signature.

SoftBank et son fonds Vision Fund de 100 milliards de dollars, qui détient 25% des parts de Arm, prendront une participation dans Nvidia comprise entre 6,7% et 8,1%.

L'opération devrait être finalisée d'ici mars 2022.

(Avec Kate Holton et Douglas Busvine à Londres, Munsif Vengattil à Bangalore; Version française Kate Entringer et Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)

par Sam Nussey et Stephen Nellis