Matthias Desmarais, qu’y a-t-il dans la tête des dirigeants que vous avez rencontrés avec votre équipe et vos clients investisseurs ?

"Les dirigeants des sociétés présentes ont eu un discours raisonnablement optimiste, avec une fin d’année 2023 et un début d’année 2024 très corrects. Les sociétés sont, dans l’ensemble, confiantes pour 2024 qui s’annonce comme une année de « soft landing », même si les points d’incertitude restent nombreux : décisions des banquiers centraux, élections américaines et européennes, et conséquences des tensions géopolitiques. A noter que le pricing power a perdu de sa superbe, avec une inflation moindre alors que les masses salariales seront difficiles à contenir. A ce stade, les prévisions concernant l’EuroStoxx 600 (N.D.L.R. : les 600 plus grandes sociétés européennes cotées) tablent sur une baisse de 1% des bénéfices par action en 2023 et une hausse de 6% en 2024. L’évolution des taux d’intérêts et des taux de change auront une incidence particulière cette année. Sur ce dernier point, les devises ont constitué, au T4 2023, un « paramètre contraire », et de nombreux émetteurs soulignent l’impact négatif que les changes pourraient avoir sur les performances du 1er semestre 2024."

Quelles sont les géographies et secteurs qui devraient bénéficier de vents favorables cette année ?

"Au plan géographique, les Etats-Unis devraient rester très solides, tout comme l’Asie, à l’exception de la Chine qui reste fébrile. En termes de secteurs, les services pétroliers (Technip Energies, Tecnicas Reunidas, GTT, CGG, Schoeller-Bleckmann, Vallourec), la santé animale (Vétoquinol et Virbac) ou encore l’aéronautique civile (Lisi, Figeac). Le ton est également positif sur les opérateurs télécoms, le tourisme et les voyages (ADP, easyJet, Air France, Trigano, IAG, Accor…). Dans les services, les émetteurs se disent assez confiants (Edenred, Spie, Elis). L’enthousiasme était également palpable pour des raisons plus « company specific » chez Nexans, Believe, Interparfums..."

Quand est-il des croissances externes et des entrées/sorties de cote ?

"Les sociétés, financièrement saines dans l’ensemble, pourraient profiter de l’accalmie sur les taux et les tensions géopolitiques pour reprendre l’offensive sur le plan de la croissance externe. Nos analystes ont d’ailleurs perçu des signaux constructifs de reprise du M&A sur nombre de sociétés : Basic-Fit, BIC, Bureau Véritas, CDA, CIE Automotive, Compass, Edenred, Elis, Ekinops, Euronext, Jacquet Metals, FlatexDEGIRO, Heidelberg Materials, ID Logistics, Ipsen, Lectra, Mersen, Nexans, Prodways, Rubis, Spie, TFF, Trigano, Vétoquinol ou encore Virbac). Par ailleurs, les valorisations restant assez faibles, les sorties de cote devraient se poursuivre avec des fonds de private equity qui seront à la manœuvre. Enfin, les IPO devraient reprendre à en croire les candidats à la cotation que nous avons en France, sans compter les spin-off qui s’annoncent de la part de Sanofi, Sodexo, et peut-être Accor."

Quelles sont les projections de votre équipe en ce qui concerne les petites et moyennes valeurs que vous suivez ? Comment jugez-vous les valorisations actuelles ?

"Dans un environnement de marché encore incertain (absence de collecte, aversion au risque plus forte et liquidités restreintes) les small caps ont poursuivi leur sous-performance sur 2023, que ce soir boursièrement ou économiquement au regard de l’évolution de leurs bénéfices. Pour 2024 et 2025, les prévisions sur les small caps reflètent une meilleure dynamique, avec une croissance attendue des bénéfices par action de respectivement 12.2% et 13.5% sur l’indice MSCI Europe Smallcap (vs +4.8% sur 2023). Ces projections sont plus élevées que sur les larges (+7.3% et +10.9% respectivement d’après les données du consensus FactSet), ce qui pourrait (en théorie) se traduire par un retour d’une prime de croissance sur le compartiment. Les multiples de valorisation en prospectif sont encore décotés sur les small caps. L’indice MSCI Europe Smallcap se traite à près de 13x les bénéfices par action à 12 mois, soit plus de 15% en dessous des moyennes historiques, comme quasiment tous les marchés small à l’exception des Nordics (Suède). 2024 pourrait bien être l’année du rebond pour les small caps (début de retour à la collecte des fonds small caps, valorisations raisonnables et détente des taux en ligne de mire) après 5 années compliquées."

En 2023, votre liste de convictions a réalisé une performance de 18% soit une forte surperformance de 18.4 points par rapport à l’indice de référence MSCI Euro Smallcap (-0.3%). Quelles sont vos plus fortes convictions actuelles parmi les PME et ETI cotées européennes ?

"Parmi notre sélection 2023, le momentum et la visibilité ont de nouveau été clés dans la performance des small caps (ID Logistics, VusionGroup, Roche Bobois). Pour 2024, il nous semble encore trop tôt pour accentuer le côté cyclique et volatil de la liste, nous préférons mettre en avant des sociétés à forte visibilité, au momentum/megatrend porteur et aux valorisations raisonnables par rapport aux moyennes historiques. La nouvelle liste comprend ainsi : Compagnie des Alpes, Ence, Esker, Exail Technologies, Schoeller-Bleckmann, SFC Energy, TFF, Xior Student Housing."