Matthias Desmarais, qu’y a-t-il dans la tête des dirigeants que vous avez rencontrés avec votre équipe et vos clients investisseurs ?

"Les dirigeants sont clairement moins optimistes qu’il y a un an alors que nous étions en sortie de crise sanitaire. Le ralentissement est perceptible pour beaucoup des secteurs, sans effondrement comme pourraient le laisser craindre les Unes des journaux. La première vague d’inflation (tensions sur les prix des matières premières, les approvisionnements) a été bien supportée par les sociétés qui ont dans l’ensemble répercuté les hausses et préservé leurs marges 2022. La seconde, caractérisée par une énergie durablement plus chère et des salaires en hausse pourraient cette fois affecter les marges. A ce stade, les prévisions concernant l’EuroStoxx 600 (N.D.L.R. : les 600 plus grandes sociétés européennes cotées) tablent sur une croissance de 1.5% des bénéfices par action. Le consensus s’est donc largement ajusté à mon sens sur les grandes valeurs et après un premier semestre 2023 compliqués, nous espérons que la reprise de l’activité en Chine tire la croissance mondiale."

Quelles sont les projections de votre équipe en ce qui concerne les petites valeurs que vous suivez ? Comment jugez-vous les valorisations actuelles ?

"Les multiples de valorisations en prospectif se sont sensiblement détendus en 2022. L’indice MSCI Europe Small cap se traite 13.8x les bénéfices par actions attendues dans les 12 mois, soit 5% en dessous des moyennes historiques. Le constat est similaire en France sur le CAC Small (11.5x). Cela étant, ces ratios sont basés sur des projections actuelles de croissance des bpa 2023 de 10 % en 2023 dans notre univers de 170 valeurs petites valeurs européennes qui pourrait être encore optimiste compte tenu du contexte inflationniste. Les Small caps françaises connaissent une révision continue de leurs prévisions de résultat (-30% en moyenne en 2022), tandis que les prévisions ont été globalement revues en hausse sur les autres compartiments. Cette dichotomie explique pour partie la sous-performance de ce segment de la cote, en plus du risque de liquidité et des éléments de marché (volumes, décollecte...). "

Source : Oddo BHF Securities, Facset

Quelles dynamiques sectorielles ressortent de vos rencontres ?

"Nous assistons à un net clivage entre les secteurs bien orientés et d’autres beaucoup moins. Parmi les secteurs qui ont le vent en poupe, je retiens la sphère utilities/énergie, l’électronique, les services informatiques/sociétés de logiciels, l’aéro-défense, le voyage/loisirs, et même l’automobile qui connaît une relative amélioration. En revanche, les autres industries, les médias (TV en particulier), la consommation et certaines industrielles connaissent un net ralentissement."

Qu’en est-il des croissances externes et des entrées/sorties de cote ?

"Les sociétés ont un discours beaucoup plus modéré en matière de croissance externe compte tenu de la faible visibilité et des conditions de financement moins avantageuses que ces dernières années. Les opérations de rachat envisagées sont plus petites, moins risquées, et une plus grande attention est portée aux prix. Les envies de sortie de cote sont toujours présentes, et les IPO devront passer par une meilleure collecte pour repartir sensiblement après un retrait du nombre d’opérations de 70% en Europe l’an dernier. Les investisseurs et leurs clients restent très attentifs aux problématiques de liquidité dans un contexte où la liquidité des fonds est de plus en plus regardée par le législateur. A noter que l’écart de valorisation entre le public et le privé existe toujours, mais il s’est réduit au cours des derniers trimestres. Les sociétés cotées du CAC Small et du SBF 120 affichent désormais une décote respectivement de près de 24% et 16% en comparaison des multiples de transactions observés dans le non coté par l’indice Argos (10x au T3 2022 – dernières données disponibles)."

Quelles sont vos plus fortes convictions actuelles parmi les PME et ETI cotées européennes ?

"Pour le premier semestre 2023, dans un contexte de marché qui reste assez volatil à des niveaux relativement élevés, nous privilégions d’une part les sociétés exposées aux thématiques les plus résilientes du moment dans un environnement inflationniste fort (Energie, Electronique, utilities et Services IT) et d’autre part des dossiers de qualité à forte visibilité avec des carnets de commandes élevés, un bon pricing power et une valorisation qui reste raisonnable par rapport aux moyennes historiques. Au-delà des considérations sectorielles et au sein de la classe d’actifs small caps, l’attention devra toujours être portée sur les effets de momentum positifs (nouveaux contrats, nouvelles guidances, projets long terme) et éviter les sociétés plus à risque d’avertissements ou en besoin de refinancement (hausse des taux) malgré des valorisations qui peuvent parfois apparaître comme de bons points d’entrée. Notre nouvelle liste Nextcap Europe est ainsi composée des sociétés suivantes : SES Imagotag, Sword group, Roche Bobois, Ordina, La Française de l’Energie, PVA Tepla, Schoeller Bleckmann, Xilam et SAF Holland."