Cette mesure automatique a été adoptée en 2011 pour pousser le Congrès à trouver un compromis sur la réduction du déficit budgétaire, mais démocrates et républicains ne sont pas parvenus à s'entendre, ce que la Maison blanche a jugé "profondément destructeur" pour l'économie et la sécurité nationales.

"Tout le monde ne souffrira pas immédiatement des ces coupes. La douleur sera toutefois réelle. A compter de cette semaine, de nombreux familles de la classe moyenne verront leurs vies perturbées de façon importante", a averti le président, s'adressant à la presse après l'échec de ses discussions avec les parlementaires.

La moitié de ces coupes, qui s'appliqueront entre samedi et le 1er octobre, concerne le budget de la Défense et Chuck Hagel, nouveau numéro un du Pentagone, a estimé qu'elles allaient mettre en péril toutes les missions de l'armée américaine.

Un accord entre la Maison blanche et le Congrès peut encore permettre le déblocage des crédits gelés, mais les deux camps ne semblent pas en prendre le chemin.

De nombreuses confrontations sur les questions budgétaires ont été résolues à la dernière minute, ces dernières années, souvent sous la pression des marchés financiers. Cette fois, Wall Street n'a pas même réagi à ce nouvel épisode du psychodrame qui agite Washington depuis des mois.

L'impact immédiat devrait être très limité, mais la Maison blanche a expliqué ces derniers jours que l'ensemble des administrations seraient touchées, du contrôle aérien aux gardes-côtes en passant par l'éducation, la santé et l'immigration.

"SÉQUESTRE"

Pour sortir de l'impasse, Barack Obama exige le démantèlement de niches fiscales qui profitent essentiellement aux plus hauts revenus ainsi que l'abrogation d'exonérations accordées aux compagnies pétrolières et des avantages fiscaux des fonds de pension.

Après avoir accepté à contre coeur un alourdissement de la fiscalité dans le cadre de l'accord de décembre sur le "mur budgétaire", les républicains excluent quant à eux toute concession.

Comparée au budget total des Etats-Unis, qui atteint 3.700 milliards de dollars, les coupes prévues dans le cadre de cette mesure appelé "séquestre" représentent peu de choses. Puisque les dispositifs essentiels tels que l'assurance maladie sont à l'abri, ce sont les fonctionnaires et qui paieront le plus lourd tribut.

Avec 2,7 millions de salariés, la fonction publique est le premier employeur des Etats-Unis. Si les coupes s'appliquent pleinement, 800.000 d'entre eux verront leur heures de travail et leurs salaires diminuer entre mars et septembre.

Des notes d'information sur d'éventuelle mises en disponibilité ont d'ores et déjà été adressées au personnel de certaines agences gouvernementales et à leurs syndicats.

Près de 115.000 fonctionnaires du ministère de la Justice ont ainsi été les premiers à les recevoir. Les envois se sont multipliés vendredi lorsque la perspective d'un accord de dernière minute s'est dissipée.

MÉTHODE DE JEDI

Le Fonds monétaire international a évalué à 0,5% le coût de ces mesures sur la croissance des Etats-Unis, mais le fardeau ne paraît pas insupportable pour une économie en pleine reprise.

Le camp conservateur, qui accuse l'exécutif d'avoir surestimé les effets des coupes pour le contraindre à transiger, a donc campé sur ses positions lors de la "réunion de la dernière chance".

Elle s'est déroulée en présence de Mitch McConnell et John Boehner, chefs de file des groupes républicains au Sénat et à la Chambre des représentants, et de leurs homologues démocrates Harry Reid et Nancy Pelosi.

"De mon point de vue, la discussion sur les recette est terminée. Il s'agit de traiter le problème des dépenses", a ensuite déclaré John Boehner.

Prié de dire pourquoi il n'avait pas contraint ses interlocuteurs à rester à la Maison blanche jusqu'à la conclusion d'un accord, Barack Obama a répondu: "Je ne suis pas un dictateur, je suis le président".

"Je propose un accord équitable. Leur refus signifie que je devrais peut-être utiliser la méthodes mentales des Jedi pour convaincre ces gens de faire le nécessaire", a-t-il ironisé.

Selon un sondage Reuters-Ipsos publié vendredi, 28% des Américains imputent l'épisode du "séquestre" au camp républicain, 18% jugent le président responsable et 4% mettent en cause le Parti démocrate. Aux yeux de 37%, les torts sont partagés.

Pour le Congressionnal Budget Office, un organe indépendant, 750.000 emplois pourraient être supprimés en 2013 dans une fonction publique qui s'apprête à se serrer la ceinture.

"Les gosses n'iront pas chez le dentiste, il se peut qu'ils n'aillent pas chez le médecin. On ne dépensera pas d'argent dans les restaurants ou les cinémas du coin", a averti Paul O'Connor, président du Metal Trade Council, qui représente 2.500 salariés des chantiers navals de Kittery, dans le Maine.

Jean-Philippe Lefief pour le service français

par Richard Cowan et Alistair Bell