(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* L'accélération de l'inflation rend les marchés nerveux

* La Fed parle de phénomène transitoire et garde le cap

* La crainte d'une normalisation prématurée persiste

* Encore de la volatilité à prévoir

par Patrick Vignal

PARIS, 17 mai (Reuters) - Une divergence d'appréciation entre la Réserve fédérale et les investisseurs sur les perspectives d'inflation explique largement les turbulences que viennent de traverser les marchés financiers et pourrait entraîner de nouveaux épisodes de volatilité.

La position de la Fed reste que la hausse des prix est due à des facteurs temporaires et qu'il est trop tôt pour qu'elle aborde l'épineuse question du retrait progressif ("tapering") de son soutien monétaire.

Les marchés en doutent et l'annonce, mercredi, d'une accélération spectaculaire de l'indice des prix à la consommation aux Etats-Unis au mois d'avril (+4,2% sur un an, du jamais-vu depuis 2008) n'a rien fait pour les rassurer.

Le vice-président de la Fed, Richard Clarida, est aussitôt monté au créneau pour dire que l'inflation devrait s'apaiser au fil de l'année et que l'état de l'économie américaine, notamment sur le front de l'emploi, justifiait le maintien d'une politique extrêmement accommodante.

Les indices de référence n'en ont pas moins poursuivi leur repli et il a fallu une intervention le lendemain d'un autre responsable de la banque centrale américaine pour qu'ils se redressent.

Christopher Waller, un gouverneur de la Fed, a réaffirmé que l'institution ne relèverait pas ses taux d'intérêt avant d'avoir observé un dépassement prolongé de son objectif d'inflation.

La Fed ne dévie donc pas de sa ligne, qui consiste à tolérer que l'inflation s'aventure temporairement au-dessus de sa cible afin de favoriser la reprise du marché de l'emploi, devenu son objectif prioritaire.

LE MONTANT DES ACHATS DE LA FED FAIT DÉBAT

La hausse des prix est alimentée notamment par l'explosion de la demande en produits de base, énergie et métaux industriels en tête, avec la réouverture des économies. Les effets de base après le net recul de l'inflation provoqué l'an dernier par la crise sanitaire jouent également un rôle majeur.

Toute la question est de savoir si le phénomène sera temporaire ou s'il s'emballera, ce qui pourrait contraindre la Fed à normaliser prématurément sa politique en diminuant le montant des actions qu'elle achète chaque mois sur les marchés, actuellement de 120 milliards de dollars (99 milliards d'euros).

"La hausse des prix plus forte que prévu suggère que nous aurons encore deux ou trois publications d'inflation élevée, ce qui pose un problème à la Fed, beaucoup de gens commençant à devenir nerveux et à penser que les effets de base n'expliquent pas toutes les pressions inflationnistes", commente l'analyste Michael Hewson (CMC Markets).

"Personne ne suggère que la Fed va commencer à regarder ses taux mais les chiffres de l'inflation soulèvent la question de la pertinence du montant mensuel de ses achats d'actifs", ajoute-t-il.

D'autres font valoir que la question des taux d'intérêt se pose bel et bien puisqu'une majorité d'investisseurs s'attendent désormais à ce que la Fed - qui a dit ne pas prévoir d'y toucher avant 2023 au plus tôt - les relève dès l'an prochain.

"La Fed a pourtant clairement fait entendre, au travers de son nouveau cadre d'action, qu'elle resterait en deca de la courbe en matiere d'inflation", rappellent les experts de BlackRock, le numéro un mondial de la gestion d'actifs.

"Il nous parait de fait dangereux de surinterpreter les chiffres de l'activite a court terme, aussi bons soient-ils, dans un contexte de redemarrage vigoureux", écrivent-ils dans une note. "Il en faudra probablement (beaucoup) plus pour que la Fed revoie l'orientation de sa politique."

UN MARCHÉ BAISSIER JUGÉ PEU PROBABLE

Si certains opérateurs de marché s'inquiètent des événements récents, d'autres sont plus sereins et considèrent le retrait des indices comme une respiration ponctuelle et nécessaire après des records en série.

L'avenir dira qui a raison, avec en outre une interrogation concernant les titres de croissance, géants de la technologie en tête, dont les valorisations tendues sont très sensibles à la remontée des rendements obligataires.

Le regain de contaminations par le coronavirus dans certains pays, à commencer par l'Inde, troisième importateur mondial de pétrole, pourrait par ailleurs contribuer à calmer les prix.

Il convient de noter également que si l'inflation paraît vouloir galoper aux Etats-Unis, elle est nettement moins vigoureuse en Europe, où la reprise économique et les vaccinations contre le COVID-19 ont pris du retard.

Du côté de la Bourse, les éléments paraissent réunis pour une correction de 5% à 10% sur les actions mais l'entrée dans un marché baissier ("bear market") , défini par un repli supérieur à 20% semble peu probable, tranche Vincent Manuel, directeur des investissements chez Indosuez Wealth Management.

Quant à la Fed, dont les prochaines annonces de politique monétaire sont attendues pour le 16 juin, elle a raison de ne pas se presser, selon lui.

"Le moment d'une inflexion dans la politique monétaire de la Fed va arriver mais elle semble avoir encore un peu de temps devant elle et il est certain qu'elle préviendra les marchés longtemps à l'avance, ce qui était un engagement de Jerome Powell", a-t-il dit à Reuters.

"On devrait recommencer à parler de 'tapering' vers la fin de l'année et il devrait arriver en 2022, avec une équation pour les marchés qui deviendrait peut-être un peu plus compliquée."

(édité par Marc Angrand)