* L'espoir d'un accord commercial sino-américain prédomine

* Les Bourses montent en ligne droite, certains s'interrogent

* La détérioration de la conjoncture se confirme

* Mais le soutien des banques centrales fait contre-poids

par Blandine Henault

PARIS, 18 février (Reuters) - En dépit de déceptions renouvelées sur la croissance, les marchés restent portés de façon surprenante par les espoirs autour des négociations commerciales entre Pékin et Washington mais le rebond semble de plus en plus fragile, d'autant que les grands indices boursiers ont atteint des niveaux techniques majeurs.

Le S&P 500, qui affiche un gain de plus de 1% sur la semaine, a renoué avec sa moyenne mobile à 200 jours pour la première fois depuis le début du mouvement de correction entamé en décembre.

A Paris, le CAC 40 évolue à nouveau au-dessus des 5.000 points, un seuil qu'il avait franchi à la baisse fin novembre, grâce un gain de l'ordre de 3% sur la semaine.

Les avancées dans les négociations commerciales entre la Chine et les Etats-Unis constituent la principale motivation du mouvement de hausse des derniers jours.

Un nouveau cycle de discussions a eu lieu à Pékin entre hauts dignitaires américains et chinois, faisant espérer un accord commercial avant la date-limite du 1er mars.

Une date qui pourrait d'ailleurs être repoussée, comme l'a laissé entendre Donald Trump lui-même, ce qui a grandement contribué à rassurer les investisseurs. Passé ce délai, les Etats-Unis ont en effet averti qu'ils mettraient en oeuvre de nouveaux droits de douane sur plus de 200 milliards de dollars de produits chinois importés.

Vendredi, le président chinois, Xi Jiping, a annoncé que les négociations commerciales allaient se poursuivre la semaine prochaine à Washington.

"Dans les dix jours qui viennent, les discussions commerciales vont vraiment rester un catalyseur d'importance pour les marchés", observe Nicolas Chéron, responsable de la recherche marchés chez Binck.fr.

LE POTENTIEL HAUSSIER EN QUESTION

Ce fort rebond des actions depuis plus d'un mois, lié tout autant aux espoirs sur le commerce qu'au changement de ton de la Réserve fédérale, laisse certains observateurs sceptiques.

"J'ai rarement vu ça, un mouvement haussier aussi puissant et linéaire, basé uniquement sur des espoirs", pointe ainsi Nicolas Chéron, tout en prévenant que "plus on monte, plus le potentiel haussier se réduit".

"Il y a de plus en plus de spéculations parmi les traders et gérants sur le fait que les investisseurs pourraient au final vendre la nouvelle d'un accord commercial entre la Chine et les Etats-Unis, surtout si celui-ci est en demi-teinte. Cela pourrait engendrer un phénomène de ventes violent", ajoute-t-il.

Le rally actuel des marchés d'actions est d'autant plus surprenant que la hausse des indices ne s'est pas accompagnée d'un retour des flux d'investissement sur cette classe d'actifs.

"Si nous faisons le constat que les indices boursiers progressent malgré la désertion de la majeure partie des investisseurs (et notamment des investisseurs professionnels), il doit tout de même y avoir des acheteurs. C'est mathématique", pointe John Plassard, stratège pour Mirabaud Securities.

Il estime que c'est essentiellement le retour des rachats d'actions par les entreprises qui soutient les cours. Ce qui laisse le marché vulnérable à une éventuelle déception sur des éléments fondamentaux.

L'annonce jeudi d'une chute des ventes au détail aux Etats-Unis en décembre, la plus forte en plus de neuf ans, a ainsi jeté un froid. La consommation étant le principal moteur de la croissance américaine, ce chiffre a provoqué des révisions à la baisse des estimations de croissance pour le quatrième trimestre: la Réserve fédérale d'Atlanta a ramené la sienne à 1,5% en rythme annualisé contre 2,7% il y a encore quelques jours.

JPMorgan et Barclays ont également revu leurs estimations et n'attendent plus désormais que 2,0% et 2,1% respectivement de croissance sur la fin 2018.

"BAD NEWS IS GOOD NEWS"

Mais pour l'heure, le discours accommodant de la Fed, comme celui des autres grandes banques centrales, contribue à rassurer les investisseurs en actions en dépit du très net ralentissement économique observé.

"'Bad news is good news': plus la conjoncture se dégrade, plus les banques centrales sont susceptibles de se porter au chevet des marchés", explique Nicolas Chéron, chez Binck.fr.

Les investisseurs prendront connaissance mercredi du compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la Fed, où le mot "patience" devrait figurer à de multiples reprises.

Jeudi, les économistes de Société générale ont revu leurs anticipations de hausse de taux de la Fed en 2019: ils n'en attendent désormais plus aucune cette année contre deux anticipées auparavant.

"En plus du propre message patient de la Fed, nous suspectons que les vents contraires souvent cités, qui s'ajoutent à une inflation seulement modérée, empêcheront la Fed d'agir en 2019", indiquent-ils.

"En outre, nous nous attendons à ce que l'économie ralentisse plus tard cette année, et nous ne voyons pas la Fed relever ses taux dans ce contexte", ajoutent-ils.

En zone euro, les "minutes" de la Banque centrale européenne sont attendues jeudi, juste après la publication des indicateurs PMI flash pour le mois de février, qui seront surveillés avec attention.

Outre les banques centrales, la saison des résultats d'entreprises du quatrième trimestre, sans offrir un soutien particulièrement prononcé, ne constitue pas non plus un frein aux marchés.

"Phénomène assez rare, les révisions à la baisse des objectifs des entreprises de l'EuroStoxx ont été supérieures aux révisions haussières. Mais les investisseurs étaient extrêmement pessimistes et les chiffres étant moins mauvais que ce que l'on pouvait craindre, ils se sont contentés de peu", explique Nicolas Chéron.

Pour le stratège, un excès haussier sur les indices actions lié aux espoirs d'accord commercial n'est pas à exclure, ce qui pourrait porter le CAC 40 à 5.200 points - autour de sa moyenne mobile à 200 jours - et le S&P à 2.800 points.

"Je suis plutôt pessimiste mais j'attends des excès haussiers", indique-t-il. "Pour l'instant, les vendeurs doivent prendre leur mal en patience".

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GESTION-Nouveaux dégagements massifs sur les actions malgré le rebond-BAML (Edité par Marc Angrand)